Dans l'enfer de l'opus dei, témoignage d'une âme en peine dans l'Œuvre

Elle est bien naïve, la jeune femme qui se fait enrôler petit à petit dans un univers qui va se faire une joie de la restructurer selon ses propres critères, d'ailleurs elle le dit elle-même, assez souvent, au point de nous retirer l'envie d'avoir pitié d'elle : ce n'est pas une victime qui raconte, mais une âme perdue qui s'est perdue encore un peu plus au sein de l'Œuvre. Ce témoignage semble assez pauvre au départ, assez convenu, mais vite il dévoile une richesse de manipulation et d'abstraction du réel qui fait froid dans le dos.

Jeune femme naïve, Véronique Duborgel a comme trait de caractère de ne pas vouloir faire de vague, aussi se laisse-t-elle assez facilement entraîner dans des réunions et des séjours où il n'est question que d'éprouver sa foi et son obéissance. Tout est sous le couvert d'une association de femmes, disons loisirs créatifs et faîtes-vous des amies, mais les buts avoués sont le recrutement et le prosélytisme. D'ailleurs, sitôt les vœux prononcés, le ton va changer, et le masque va tomber, mais elle sera devenue membre de l'Opus et, sans montrer la moindre répulsion, elle va survivrre au sein de l'Ordre tant qu'elle pourra supporter cette vie faîte uniquement d'apparence et de retenue qui va l'étouffer. Car l'Ordre tel qu'il apparaît ici est un monstre froid qui impose à ses membres une vie exemplaire et spartiate, où le bien de l'Ordre prime sur celui de la personne, fut-elle votre sang.

L'Opus Dei, créé par Monseigneur Escriva de Balanguer (1902-1975), est d'abord un ensemble de préceptes de vie très strictes qui se donnent à lire dans de nombreux ouvrages (Chemin, Amis de Dieu, etc.) que les adeptes sont invités à lire et relire. Vrai succès de librairie — et source des deniers du « culte » Escriva — ces ouvrages sont aussi la trace d'un enseignement qui impose d'abord et avant tout le respect d'un dogme étonnant : le paraître. Tout doit être en ordre, aussi bien dans les maisons que dans les mœurs, dans les vêtements et les comportements, même si d'autres règles tissent un vivre ensemble assez lourd fait de froideur et de doute, car chacun est invité à espionner et à dénoncer les autres pour infliger de petites sanctions confraternelles…

L'intérêt de ce récit assez grand public et orienté « je suis une victime d'un système trop malin pour moi », qui continue une longue liste de témoignages et d'accusation sur cet Opus Dei récement cannonisé (6 octobre 2002, après une béatification en 1999) et dont on ne saura sans doute jamais le vrai du faux, réside dans la progression du disciple que l'on suit pas à pas. On ne cherche pas à nous détailler une machinerie diabolique et tissant toutes les arcanes, on avance avec l'auteur dans ses propres découvertes et, comme elle n'est pas tendre avec elle-même — c'est elle en premier qui avoue sa grande naïveté —, on est tenté de lui accorder notre crédit. Bien sûr, c'est assez peu littéraire — dans le ton et dans le style —, c'est redondant et maladroit, mais, comme la vie, c'est une expérience qu'il n'est pas inintéressant de suivre.



Loïc Di Stefano

Dominique Duborgel, Dans l'Enfer de l'Opus Dei, Albin Michel, octobre 2007, 185 pages, 15 euros 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.