Retour sur les deux Affaires Grégory

C'est notre Dahlia noir à nous, cette affaire Grégory, dont l'adaptation récente pour la télévision a relancé sinon le débat sur les supposés coupables du moins celui sur le rôle des médias et leurs « bidonnages » répétés pour accuser en fabriquant les preuves qui manquaient. Ce n'est plus, finalement, le meurtre atroce du petit garçon, retrouvé noyé dans un sac fermé, qui va préoccuper, mais tout le contexte familiale qui y aurait conduit, mettant sur la place publique une histoire de famille qui n'avait rien à y faire.


Pour s'y retrouver, entre les « on-dit » de la bonne France et le mauvais ragots, entre les vérité toutes opposées, alors que l'affaire est classée par la justice pour disparition des parties (chacune s'étant plus ou moins assassinée...), le document du Colonel Etienne Sesmat sort du lot, par sa qualité, sa dignité et, pourrait-on dire, sa neutralité.


Chargé de l'enquête, Etienne Sesmat est au cœur du drame depuis le début, depuis les premières lettres anonymes qui insultent les Villemain et où traîne un relent de jalousie et de rancœur familiale jusqu'aux différents assassinats qui vont mettre un terme à l'action de la Justice. Et c'est avec une très louable honnêteté intellectuelle, une manière de retrait et de neutralité — les faits, rien que les faits — qu'il nous dévoile la face cachée, celle de l'arrière-cour du pouvoir policier et médiatique, maintenant qu'il n'est plus soumis à son devoir de réserve et qu'il peut s'épancher sur cette affaire qui l'a profondément marquée. Car outre de reprendre point par point les moments aussi forts que tragique de ce meurtre aujourd'hui encore irrésolu, il nous donne à comprendre comment a pu fonctionner la machine judiciaire dans son ensemble.


Les conclusions d'Etienne Sesmat sont terribles : Grégory a été assassiné par haine de ses parents, il n'est qu'un objet de refoulement de toutes les rancœurs accumulées. Il n'y a pire victime. L'imaginaire populaire s'en empare, en faire sinon un martyre du moins le symbole de l'enfance meurtrie, et Grégory entre dans l'Histoire comme le symbole malheureux de la haine suscitée par l'amour :


« Grégory est assassinée non pas pour ce qu'il est mais pour ce qu'il représente : l'amour et la fierté d'un homme, son père, auquel on n'ose pas s'attaquer directement. »


Car ce meurtre est avant tout celui d'une classe sociale, celle des petits qui se sont élevés au-dessus des autres petits et qui passent, du fait de la jalousie — tous médiocre ou rien — pour des bourgeois, des « chefs » (le mot revient souvent) et que, de ce simple fait, le seul lien qui subsiste est la haine. Sans qu'il soit possible de dire péremptoirement que le motif du crime est là, la probabilité que le petit Grégory ait été la victime de la haine jalouse au sein de la même famille est très grande. Ce qui n'ajoute rien d'humain à l'affaire...


Signalons enfin que les annexes sont très riches, avec notamment des fac simile des lettres anonymes et des rapports. Alors pas la réponse, bien sûr, mais beaucop d'éléments pour juger soi-même avec le recul du temps et l'apaisement des passions.


Loïc Di Stefano

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