Vie de l'ennemi public n° 1, Jacques Mesrine

2 novembre 1979. Encerclé par des forces de l'ordre cachées dans des véhicules banalisés, Jacques Mesrine (1936-1979) est abattu comme un chien, au volant de sa voiture, en pleine rue, en plein milieu d'après-midi.  18 balles dans le corps, dont une en pleine tête... Fait d'armes du Commissaire Broussart ou vrai assassinat ? Fin de cavale pour  l'ennemi public n° 1 qui a fait de sa vie une lutte de tous les instants contre le système.

Il fallait l'immense travail de Jean-Marc Simon pour reprendre la vie légendaire du plus grand criminel français et imposer une biographie de référence. Non pas seulement pas la masse de son imposant volume, mais par l'approche  précise et neutre, d'historien américain, qu'il s'est imposé. Aucun a priori, aucun effet de manche, la vie pure et violente d'un écorché. Et un travail d'archiviste considérable.
Né dans la zone de Clichy-la-Garenne, il est scolarisé au très bon lycée Chaptal, mais s'en évade bien vide pour courir les salles de cinéma et se rêver en gangster. Petit malfrat sans grande envergure, c'est pendant la guerre d'Algérie qu'il apprend son métier et, en 1960, de retour à Paris, qu'il commence sa carrière de braqueur. 1962, premier braquage raté, et premier séjour en prison. Découverte des QHS (Quartier de Haute Sécurité) contre lesquels il va mener une vraie action politique, réussissant à attirer l'attention des médias sur ce "crime des prisons" et finalement, peut-être, à faire changer l'administration pénitentiaires. 
Au sortir de prison, Mesrine tente une vie "normale", s'installe avec sa famille et cherche du travail. Las, l'expérience sera de courte durée, il n'est pas fait pour cette vie- là ou, plus justement, cette vie-là n'est pas faîte pour lui. S'il entame alors une carrière de braqueur international (Suisse, Espagne, Canada), c'est toujours à Paris qu'il revient, pas forcément pour braquer ni se planquer mais surtout pour vivre la vile, prendre un verre dans les bistrots, sortir. Car Mesrine a fait la nique à toutes les polices par son art de la dissimulation, changeant de visage et d'apparence. 

Mesrine, c'est aussi un grand vaniteux, qui n'hésite pas écrire ses mémoires et dire tout le mal qu'il pense de la société (L'Instinct de mort, publié le 3 mars 1977) à s'afficher en Une de Paris-Match (4 août 1978). S'il a toujours pris le parti de communiquer directement avec ceux qui pensaient pouvoir s'en prendre à lui (une lettre fameuse à Pierre Desproges par exemple), il semble que le besoin d'affiche s'accélère, comme s'il sentait que le temps  allait venir de sa fin. C'est l'occasion pour les lecteurs, et les sociologues, d'avoir les témoignages dans le vif.

Jean-Marc Simon retrace la vie et "l'œuvre" de Mesrine aussi bien que le parcours de tous les personnages périphériques, policiers ou truands (François Besse, Jean-Paul Mercier, Michel Ardouin, Michel Schayewski)), afin de dresser le portrait d'une incroyable densité de toute une époque. 

La Police était-elle, comme le procureur de la République le dira en conférence de presse le 4 novembre 1979, en "légitime défense permanente" face à un Mesrine ? Quoi qu'il en soit, son assassinat policier clôt la légende toujours vive de Jacques Mesrine, criminel hors norme, bravache et politiquement engagé. La biographie monstre de Jean-Marc Simon le consacre.

Loïc Di Stefano

Jean-Marc Simon, Mesrine, Mareuil éditions, octobre 2015, 878 pages, chronologie, bibliographie, 25,90 eur

NB : Ne pas prononcer le S de Mesrine...

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