À la mémoire d'Adrienne Cazeilles

J’ai eu une unique fois la grâce de rencontrer cette grande militante et citoyenne du monde que fut la trop modeste Adrienne Cazeilles (1923 - décembre 2021). C'était fin des années soixante-dix quand, pilotée par des amis, elle avait tenu à se déplacer tout exprès pour venir saluer chez lui, en son atelier, son alors encore récent ami Serge Fiorio, le peintre de Montjustin dans le Luberon.
Par bonheur, ce jour-là j'y étais !

Depuis toujours sensible dans l’âme aux problèmes d’environnement, ce dernier avait tout de suite ressenti le besoin de prendre contact avec elle après l'avoir entendue en direct lors de son passage à Radioscopie, la fameuse émission radio quotidienne du regretté Jacques Chancel.

Y roulant les r aussi rocailleusement que Serge lui-même et tout aussi fort, il me semble, que la grande Colette de Bourgogne, cette femme impressionnait à la fois par l’authentique originalité native de sa voix et par l’intelligence, le bon sens imparable et la grande portée d’un discours, on s’en doute, en rien inoffensif : après qu’un gigantesque incendie ait ravagé 17.000 hectares dans les Aspres, son pays en Roussillon, elle venait en effet de publier avec succès – aux bien nommées éditions du Chiendent – un livre de révolte et de réquisitoire écolo autant que de sagesse ancestrale qu’elle avait, pour cela, justement intitulé Quand on avait tant de racines.
Pamphlet qui connut plusieurs rééditions, jusqu’à la dernière en date, de 2011, aux jeunes éditions Trabucaire.

Suivirent Alors la paix viendra, Voyage autour de mon jardin, ainsi que maints articles dans la presse pour y éveiller les consciences et mettre en garde contre l’absurdité sans cesse grandissante et galopante de nos modes de vie gaspilleurs-criminels, pointant notamment l’esprit guerrier et le tourisme de masse.

Cela, sans compter ses innombrables lettres aux uns et aux autres de ses amis ou connaissances – dont celles à son ami peintre, heureusement sauvegardées dans ses archives – en lesquelles, toujours fidèle à son idéal, sa pensée et ses réflexions pertinentes n’ont de cesse de remettre certaines pendules individuelles ou sociétales à l’heure et, par là même – colibri à sa façon – le monde quelque peu un peu plus à l’endroit.

La dernière fois que je pus encore lui parler pour prendre de ses nouvelles, ce fut cependant une aide-soignante qui décrocha : elle avait accepté de rentrer, comme on dit, en maison de retraite après une vie de combat ; ce qu’elle me traduisit ainsi, si simplement : Aujourd'hui je me suis mise au bord du chemin et je regarde passer le monde.

André Lombard

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