Le retour de Dorian Gray : Portrait d’une tentative

 

Pour cette nouvelle série de la collection 1800, le scénariste Stéphane Betbeder s’associe au talent indéniable du dessinateur Bojan Vukic pour revisiter l’unique roman d’Oscar Wilde. On ne présente plus Le portrait de Dorian Gray, chef d’œuvre écrit en 1890, tardivement adapté au cinéma à deux reprises en 1944 et 2009. Véritable bijou atemporel de la littérature philosophique, ce roman est un hymne à la jeunesse, c’est-à-dire au temps, seul bien hors du commerce. Oscar Wilde y exploite brillamment la fascination des gens pour le charisme, grâce à une philosophie d’une justesse incroyable. Dorian Gray, dandy anglais émerveillé par la jeunesse et la beauté, donnerait son âme pour figer son apparence dans le temps.  Son vœu sera exaucé. Avec un éternel physique de jeune premier, il mènera une vie de débauche et de cynisme, tandis que son portrait, caché des regards, subira les stigmates de sa dépravation.


A mesure que se révèle le génie de l’auteur, l’ampleur du défi apparaît d’autant plus importante. Dans ce premier tome, le survivant Dorian Gray, dont la seule présence provoque un haut-le-cœur, ère en quête de futures atrocités dans une société victorienne très cloisonnée. Il se liera d’une improbable amitié avec une jeune fille de bonne famille avant de trouver de quelle manière inverser le sort et recouvrer sa jeunesse. Si la trame semble plutôt respecter l’esprit du roman, le scénario facétieux laissera dubitatif les fidèles de l’œuvre originale.


Non seulement Dorian Gray doit tuer son prochain pour survivre (ce que sa jeune et nouvelle amie désapprouve) mais il doit en plus faire couler le sang d’une âme plus noire que la sienne, ce que l’on découvre à la dernière page de la BD. Naturellement, s’agissant du premier opus d’un dyptique, un ultime rebondissement à la fin de l’ouvrage est tant souhaitable que logique mais la révélation, trop tardive, dessert l’histoire forçant le lecteur à imaginer quel pourrait bien être le lien entre l’homme invisible et Dorian Gray.  A force de rebattre les cartes, l’auteur a réussi à les brouiller pour de bon. En effet, la personnalité complexe de Dorian Gray achève de perdre le lecteur. En l’espace de quelques planches, le personnage passe du monstre sanguinaire au pêcheur repenti avant d’être rattrapé par sa noirceur. Pire, cette schizophrénie pour le moins déroutante retire toute crédibilité à la récente amitié qu’il noue avec une jeune fille riche de bonne famille, laquelle croit précisément en sa rédemption.


Le résultat est décevant. L’adaptation est grisâtre si bien que la BD aurait gagné à s’appeler Le retour de Dorian Grey. Toutefois, car l’on ne saurait juger une œuvre partiellement, il faudra lire le second tome. 

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