L’école de Nancy : l’art d’unir nature, industrie et vie

La Villa Majorelle, la rue Félix Faure, la maison Bergeret, la graineterie qui se trouve rue Saint-Jean, la marquise en ferronnerie visible au-dessus de l’entrée de la Chambre de commerce et d’industrie et ses vitraux de Jacques Gruber, la somptueuse brasserie de l’Excelsior... les lieux qui témoignent de l’épanouissement de l’Art Nouveau à Nancy sont nombreux.
Quand en 1901 Émile Gallé déposait les statuts de l’association intitulée École de Nancy, il consacrait une évidente prééminence locale. L’autre nom choisi par les initiateurs de cette école appelée à devenir célèbre était Alliance provinciale des Industries d’Art.
Héritière des vieilles traditions transmises depuis les temps médiévaux, par la suite classiques et baroques, Nancy naturellement s’imposait comme le centre d’un renouveau esthétique qui marquerait l’Europe. Dans tous les domaines, le verre, la faïence, le cuir, le bois, une créativité sans équivalent jusqu’alors se manifestait.

Nancéen, Emile Gallé (1846 - 1904) est sans conteste l’artiste qui domine le courant. Mais il est accompagné par d’autres personnalités non moins éminentes qui additionnent et multiplient leurs talents. Victor Prouvé, par exemple, autant sculpteur que graveur, travaille aussi le métal et crée des bijoux. Il est en plus, on l’oublie souvent, un merveilleux concepteur de broderies, proposant à la production industrielle un éventail infini de motifs nés de son observation continue de la nature. Alliance rare de la soie et des cabochons de pierres précieuses, la robe appelée Bord de rivière au printemps, de 1900, est un véritable chef d’œuvre dont la grâce n’enlève rien à la délicatesse.
Citons encore l’ébéniste Eugène Vallin, le verrier Antonin Daum, bien sûr Louis Majorelle, également verrier, bronzier, ébéniste.

 


À côté des maîtres qui ont toujours eu le souci de leur formation, les ouvriers par leurs qualifications ont joué un rôle fondamental. Une photo attribuée à De Jongh frères, de 1897, montre Gallé entouré de ses ouvriers verriers. Il fut régulièrement "attentif à la mention de ses collaborateurs dans ses catalogues d’exposition et lors de l’Exposition universelle de 1900".
Ce travail d’équipe permet en quelque sorte de joindre à la fabrication de l’œuvre unique la confection plus en série, gardant pour autant son caractère de beauté privilégiée. "En vous soumettant, Messieurs, après des œuvres raffinées et luxueuses, les spécimens de ma fabrication adaptée à des besoins plus modestes, il ne me semble pas déchoir. Ni moi, ni mes ouvriers, nous n’avons trouvé impossible la conciliation de la production à bon marché et de l’art ; nous n’avons pas pensé que la robe commerciale du cristal dût être nécessairement de mauvais goût", dira en 1908 Emile Gallé.       
 

On le sait, le lien avec la faune et la flore est une des caractéristiques de l’Art Nouveau qui en exploite sans limite le répertoire de formes et de couleurs. Au contact du spectacle pur de la nature, les artistes inspirés métamorphosèrent les fleurs et les animaux, reprenant sur les lampes, les vases, le mobilier, le vitrail jusqu’aux bibelots, ce que le végétal et l’animal offrent d’exubérance et d’élégance.
Le pavot et le jasmin, la pomme de pin et le chardon, l’hermine et le hibou animèrent les pièces, leur donnant comme une vie seconde, fluide, transparente et silencieuse. Nervures, arabesques, ogives, volutes, ondes, textures, ciselures, éclosions, marqueteries, devant les floraisons des roses et des fleurs d’ombellifères, la nage du poisson et la marche du lézard, le vocabulaire rend à peine compte de la diversité illimitée suscitant un mouvement universel qui se voit sur les différentes pièces présentées dans cet ouvrage, accompagnant l’exposition qui vient de s’ouvrir.
Ces pages étudient en profondeur les relations étroites entre la création d’une esthétique propre à renouveler le cadre de vie et l’industrie.

L’imagination se dépasse elle-même, l’innovation se déploie en continu, au plan artistique comme au plan technique. Dans le surtout de table Les Pontédéries, de 1904, on remarque "la parfaite adéquation entre la plante aquatique et la forme de la pièce".
Il semble bien que chez tous les acteurs qui ont participé au renom de l’École de Nancy, se soient unis la fantaisie et la rigueur, l’ornementation dans les détails et la stylisation évitant les surcharges, les symboles qui provoquent la part de rêve et la science qui fixent les règles pour que le génie prospère.

Dominique Vergnon

 

Valérie Thomas (sous la direction de), L’École de Nancy, Art Nouveau et industrie d’art, 22x28 cm, 218 illustrations,  coédition Somogy éditions d’art – musée de l’École de Nancy, avril 2018, 216 pages 25 euros,

Exposition au musée des Beaux-Arts de Nancy, jusqu’au 3 septembre 2018 ; www.mban.nancy.fr

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