"Prédatrice", une jeune prof de collège furieusement obsédée sexuellement par les adolescents

Prédatrice est un roman brûlot qui nous arrive des Etas Unis, traduit par Héloïse Esquié aux éditions Sonatine.
Ce texte a vivement choqué la société américaine parce qu’il met en scène une jeune prof de collège furieusement obsédée sexuellement par les adolescents.
Rien n’est voilé, suggéré, les mots, les gestes, les situations sont explicites, le ton est vif, impétueux comme le désir pervers de l’enseignante qui ne fait pas dans la dentelle.
Dès les premières pages le lecteur est pris à la hussarde mais l'écriture au fil des pages devient belle, ou tout au moins la traduction faite par Héloïse Esquié.
Oui, les ados émeuvent la prof à lui donner mal au ventre, à la faire trembler et mouiller, elle en rêve nuit et jour, les imagine, les déshabille du regard ou les yeux fermés, c’est un acharnement, une urgence, c’est une folie. Elle les veut, elle les aura.
Elle ne pense qu’à cela au collège, son vivier de chair fraîche, et ne cesse de construire des stratégies très sophistiquées pour troubler les élus, les séduire et les utiliser pour assouvir sa boulimie sexuelle.
Ils sont certes consentants (cette première expérience de la femme revêt une dimension quasi mystique pour ces ados subjugués par le désir qu’ils suscitent) mais ces jeunes sont mineurs et la loi condamne ces liaisons et cette emprise d’ogresse.
La narratrice ne les prend pas au hasard, elle les choisit avec minutie selon des critères très précis.
Elle est mariée à un flic qui ne sait rien de ses frasques et avec qui elle entretient une sexualité minimaliste et spéciale. Elle se sait pillarde, peut-être pas prédatrice, mais elle ressent au-delà de l’addiction, une vraie tendresse pour la grâce de ces jeunes, pour leur virilité naissante. Surtout elle se nourrit du pouvoir que son corps exerce, elle se mire en eux.
[...je serai la référence sexuelle de sa vie toute entière : Jack passerait le restant de ses jours à essayer sans succès de revivre l’expérience de se voir tout donner…comme une cabine de péage dans sa mémoire, chaque partenaire qu’il aurait devrait passer par la porte de ma comparaison, et ce serait une équation perdante…]
Dérèglement sexuel (tout est excès) , vanité, narcissisme, manque d’assurance sont les ingrédients de cette histoire non pas sexy comme il est écrit sur la 4e de couverture, car ce n’est absolument pas un récit sexy parce que la névrose surpasse la volonté d'émoustiller, mais c’est une histoire indéniablement très sexuelle et carnivore.
Si l’on doit considérer l’aspect moral du roman, il est certain qu’il va être taxé d’immoralité de la première ligne à la dernière ligne car d’autres faits du roman alourdissent le dossier à charge de l’enseignante prête à tout pour vivre sa sexualité dévorante mais aussi pour échapper à la condamnation de ses actes.
Plutôt qu’immoral, je qualifierai Prédatrice d’amoral. Bizarrement, il n’y a pas de provocation dans l’attitude de la prof mais une détermination à aller jusqu’au bout de sa sexualité.
Par contre, il est indéniable qu’elle est sujette à un envahissement de ses pulsions sexuelles.
Mais sa paraphilie questionne aussi la sexualité adolescente, le désir adolescent, l’initiation adolescente. Ce n’est pas un péché d’être ado et d’avoir envie de découvrir le plaisir.
L’auteure n’a pas cherché à adoucir la chose avec le sentiment amoureux. Ni faux-fuyant ni prétexte, seule la satisfaction de son besoin sexuel est dépeinte avec précision.
Si en France les liaisons amoureuses entre les profs et leurs élèves ont souvent ému (Mourir d’aimer, Noces blanches…), c’était toujours au motif que l’amour fou justifiait le lien sexuel.
Mais aucun livre ni aucun film n’avaient exploré cette facette taboue du désir sexuel exacerbé (ou perturbé) féminin, avec autant de force et de rage.
La femme n’est pas maintenue dans la posture convenable de la tempérance, posture qui serait justifiée par son genre.
La puissance du désir sexuel est montrée identique à celle des hommes, donc les débordements également.
C’est surtout en cela que ce roman retient l’attention.
Anne Bert
Prédatrice, Alissa Nutting, traduit par Héloïse Esquié - Sonatine - 302 pages - 21 €
Existe en format numérique
17 commentaires
Ce polar a une capacité rare de vous jeter d'emblée dans un sujet cru et rare mais avec la sincérité presque naïve d'une narratrice qui assume parfaitement, et c'est magistral. Ce n'est pas un polar grand public, mieux vaut le préciser.
je l'ai classé en "érotique" Loïc, oui.
C'est un polar pour l'ambiance noire qui y règne plus que pour l'enquête, nous sommes d'accord.
oh mon dieu un livre pareil ne serait pas publié dans mon pays et connaîtrait sans doute la censure pis l'auteur risquerait de croupir en prison pour dépravation et attentat à la pudeur Anne dans mon pays tout est tabou. Et paradoxalement nous vivons dans une certaine perversité les gens préfèrent agir plutôt que d'en parler.
Quel est ce beau pays ?
non le Sénégal c'est en Afrique. et les choses son un petit peu plus compliquées là-bas. nous sommes un pays fortement islamisés parler de certaines choses seraient un affront pour nos aînés
arrêter de vous battre, dans ce si beau pays il n'y a pas de place pour une telle violence
bouh... affligeant !!! ça déborde de clichés bon marché... le désir sexuel, la perversion ? Femme autant qu'homme... sujet éculé et bien é.cu.lé depuis des siècles ! Quelle est l'innovation du livre mis à part la crudité du Verbe ? Apparemment, rien... l'art serait plutôt dans la suggestion voilée, le crescendo d'une tension dramatique... une griffe particulière ? Le "dire" ne vaut rien, seul le "comment dire" agit...
@ Virginie : Je suppose que vous l'avez lu ? à vrai dire, et lisant beaucoup de livre du genre érotique ou porno,qui n'en font souvent pas hélas l'économie, je ne vois pas dans ce livre beaucoup de clichés usés et bon marchés. Et non, "l'art "n'est pas dans le suggéré ni le voilé comme vous l'affirmez, pas forcément, cette revendication "esthétique" n'est en rien gage de qualité littéraire d'ailleurs, et le propos du texte était bel et bien de dire ce qui ravage la raison. Ce n'est pas un livre érotique d'ailleurs.
non, j'ai lu votre chronique et ça m'a suffit ! point envie de toucher le fond ... je ne porte aucun jugement moral, mais j'attends d'être surprise quand j'ouvre un livre... et à lire l'article, on dirait qu'il y a du nouveau à l'horizon... que nenni; attrape-nigauds, là, c'est du "recyclé", toujours la même histoire... cul, prof, élèves, bouh, pas bien, vilain! C'est pourquoi, j'ai parlé de "clichés".