Avis de décès, le justicier made in China

Le sentiment d’injustice est universel. Toute victime souhaite qu’on lui rende justice. En Chine aussi, intervient parfois un zélé fou furieux qui rétablit la balance à sa mesure quand il estime qu’il y a carence. Le justicier assène la peine capitale comme sentence à ceux qui ont failli. Meurtriers, violeurs, escrocs… Cela début le 8 avril 1984.
Une série de meurtres inexpliqués survient dans la ville de Chengdu. La police communiste qui n’a aucun sens de l’humour se met en branle. Une cellule spéciale est créée : la 18/04. La crème de la crème. Dont un enquêteur hors pair, Zheng Haoming et le major de l’académie de police, Pei Tao. Il faut dire que le double crime qui a emporté ses deux camarades de promotion le place au cœur du dispositif. Mais rien. Affaire classée. Étouffée plutôt…

Vingt-deux ans plus tard, Zheng continue à s’entêter. Mis sur la touche dans son commissariat, il en profite pour continuer à fouiner. Sans doute s’est-il trop rapprocher de la lumière. Toujours est-il qu’il est assassiné à son domicile. Et qui trouve-t-on sur les lieux avant tout le monde, penché sur le cadavre encore chaud ? Pei Tao.
La cellule 18/04 est réactivée.
Le capitaine Pei se voit chaperonner par une psychologue. La belle Mu qui sent qu’il n’a pas tout dit… D’autant que l’on découvre qu’il utilisait la même signature, quand il était étudiant et qu'il fit renvoyer quatre élèves tricheurs, que celui qui envoie les avis de décès à ses victimes avant que son châtiment ne survienne. Mais si le nom d’emprunt, Euménide, est le même, l’écriture diffère.

Quel est donc le lien qui unie le capitaine Pei au tueur ? Pourquoi ce gap de vingt-deux ans ? Alors que l’étau semble se resserrer les victimes continuent à affluer. La police est ridiculisée par cet homme qui semble toujours avoir un coup d’avance…

Pétrie de bonnes intentions, la démarche du tueur se veut un jeu de rôles et une mise en abîmes des détournements du système. Comparant les conséquences aux événements dans un recoupement savant, un jeune informaticien tente de tisser des jeux de probabilités pour atteindre le justicier invisible. Le lecteur est ainsi balloté d’hypothèses en questionnements, de perspectives en projections sans pour autant parvenir à deviner le dessein définitif du tueur. Analysant finement les strates de la nouvelle société chinoise, Zhou Haohui livre ici un roman formidablement prenant qui éclaire l’Empire du milieu d’un nouveau regard. Plongée au cœur d’un monde à deux facettes. Terrible et envoûtant.   

Annabelle Hautecontre

Zhou Haohui, Avis de décès, traduit du chinois (à partir de la version anglaise) par Hubert Tézenas, Sonatine, juin 2019, 352 p. -, 21 €

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