Quel génie Vinci ?

Être un touche-à-tout est bien souvent le revers de ce que l’on croit être une qualité, un don, et qui vous plombe une carrière, vous engloutit dans une apparence de survol, et devient criant le manque de rigueur, la persévérance, l’obstination qui permet de fouiller un sujet, d’en extraire la substantifique moelle… Oui, tout cela prévaut à nous tous, sauf à Léonard de Vinci. Lui seul parviendra – malgré quelques couacs – à embrasser nombre de professions et de champs spécifiques, de passions et de réalisations toutes plus extraordinaires les unes que les autres, lui seul aura ces visions d’avenir qu’il parviendra pour certaines à mettre en œuvre, tout le moins à construire sous la forme de maquettes, des objets incroyables pour l’époque quand un Jules Verne ne fera, plus tard, que les dessiner ou les décrire. C’est qu’en plus d’un cerveau prodigue, Léonard n’a pas deux mains gauches !

Et comme tout génie, il se lasse vite de ce qu’il parvient à comprendre et à maîtriser, aussi délaisse-t-il bien vite la peinture pour s’attaquer à d’autres chantiers, comme la sculpture notamment, conduit aussi par un orgueil démesuré qui le pousse en avant – parfois trop loin au goût des notables. Car il a soif de gloire, Léonard, il veut que l'on parle de lui, que le monde soit à ses pieds...
Mais par cet entêtement à chercher, à découvrir comment cela fonctionne – des corps humains autopsiés par dizaines aux machineries les plus folles qu’il invente pour les fêtes des princes – on doit à Léonard le premier métier à tisser, les laminoirs pour la métallurgie, le principe du roulement à billes (qui n’est donc pas le fruit de Louis Renault), une machine à produire des aiguilles en série, etc.
Et tout cela à la fin du XVe siècle ! Oui, en 1496, Léonard prédit que le monde doit se tourner vers l’industrie pour aller de l’avant. Quatre siècles avant la révolution industrielle…

Brillamment menée, cette biographie romancée se lit avec gourmandise et intérêt, entre roman épique et traité technique, on suit Léonard depuis ses premiers débuts au sortir de l’adolescence, confronté à une vie dissolue que les Florentins ne supportent plus. Protégé par les Médicis, Léonard continue à faire le zouave jusqu’à ce que son père le corrige un peu trop fort et manque de le tuer. Parti chez son oncle en convalescence quelques mois, il ne reviendra à Florence qu’un an après, métamorphosé. Le frêle minet qui séduisait les garçons s’est mué en grand gaillard bronzé et musclé… Il retrouve ses amis, son atelier, la compagnie de Botticelli… Viendront les années milanaises, la période nomade puis des années d’errance, toujours dans l’éveil d’une découverte, dans l’affirmation d’une mission, dans le seul souci de porter les arts et les sciences au plus haut, au service des Hommes.
Un livre passionnant qui ressort à bon escient pour accompagner les Carnets de Vinci qui viennent de paraître dans la collection Quarto.

François Xavier

Sophie Chauveau, L’obsession Vinci, Folio, août 2019, 520 p. – 9,50 €

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