Niourk, de Stefan Wul : le classique des classiques

Le maître de la SF française


Pierre Pairault naît en 1922. Une adolescence marquée par la Seconde Guerre mondiale, des études de chirurgien-dentiste, il quitte Paris et s'installe à partir de 1952 à la campagne en Normandie. Après s’être essayé au policier, Pierre Pairault se lance dans l’anticipation : entre 1956 et 1959, sous le pseudonyme de Stefan Wul, il livrera onze romans, tous parus dans la collection « Anticipation » des éditions Fleuve Noir. Après un silence de dix-huit ans, Stefan Wul publie son dernier ouvrage, Noô, en 1977, dans la prestigieuse collection « Présence du futur » chez Denoël.

Aujourd’hui considérés comme des classiques de la science-fiction française, ses romans ont été plusieurs fois réédités. Son plus grand succès reste le roman Niourk, qui retrace l'histoire d'un enfant noir, rejeté par sa tribu, parti en quête de la ville mythique dont le nom donne son titre au roman. Considéré comme l’un des pères de la science-fiction en France, il a influencé plusieurs générations d’auteurs par son écriture libre, très visuelle, qui se démarquait des codes de l’époque ; passionné de musique, il laissait voguer son écriture jusqu’à trouver la voix qui lui convenait, quitte à ne décider de la fin de ses récits qu’en cours d’écriture. Parmi les auteurs les plus récents, Wul a particulièrement influencé Laurent Genefort, auteur du cycle d’Omale, qui reprend en partie sa thématique.

Après la fin du monde


Sur une Terre ravagée par une catastrophe de nature inconnue, ayant provoqué l'assèchement de tous les océans, des poches d’humanité survivent, revenues à un état primitif. Dans cet univers post-apocalyptique, Stefan Wul nous invite à suivre une tribu qui survit en chassant des chiens sauvages et des jaguars, quelque part entre Cuba et la côte du continent nord-américain. Le Vieux, le sorcier de la tribu, s'apprête à rejoindre Santiag de Cuba, le domaine des dieux, mais annonce à la tribu qu'à son retour il faudra sacrifier le jeune enfant noir. Tous attendent alors avec impatience son retour, qui tarde… Le jeune enfant décide alors de monter seul à la ville des dieux pour le retrouver. Du Vieux, il ne retrouve que le cadavre, gelé dans la neige des rues de Santiag de Cuba et, par superstition, mange sa cervelle afin d'acquérir sa sagesse. Il prend le chemin du retour et, à son arrivée dans la plaine, découvre qu’un incendie a ravagé le village et que les membres de la tribu sont partis. L'enfant noir décide alors de suivre leurs traces, qui mènent vers le nord. Près de la ville légendaire de Niourk…

L’héritage

Par la musicalité de son style, la force d’évocation des univers imaginés, Stefan Wul est le seul écrivain français de science-fiction de cette période qui puisse être comparé aux grands maîtres américains, tel Jack Vance. Il a en outre innové en introduisant des thèmes écologiques peu exploités à l’époque. Signalons que deux de ses romans ont fait l’objet d’adaptations en dessins animés par René Laloux - La planète sauvage (tiré d’Oms en série) et Les maîtres du temps (tiré de L’orphelin de Perdide) - avec la collaboration des dessinateurs Roland Topor et Moebius, ainsi qu’un certain Jean-Patrick Manchette pour les dialogues. Son écriture pleine de résonances poétiques, ses emprunts au conte, font aujourd’hui encore de lui, 10 ans après sa disparition, un auteur majeur, autant apprécie des adolescents que des adultes. Pour toutes ces raisons, son œuvre - outre les romans déjà mentionnés, citons d’autres perles comme Retour à « O », La peur géante ou encore Piège sur Zarkass - mérite d’être constamment revisitée et relue.

Sylvain Bonnet & Glen Carrig

Stefan Wul, Niourk, Gallimard folio sf, 2001 (1ère parution en 1957 aux éditions Fleuve noir, collection «  Anticipation ») 240 pages, 5,95 €

  • Lire l'article sur l'adaptation de Niourk en BD par Olivier Vatine
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