"Revival" de Stephen King

1962, en pleine crise des missiles cubains, dans une petite ville du Maine. Le jeune Jamie, 6 ans, joue avec ses soldats de plomb quand le révérend Charles Jacobs s'arrête à sa hauteur pour l'inviter lui et sa famille à son église méthodiste et à découvrir son 

utilisation très novatrice de l'électricité à partir de laquelle il recrée un monde d'inventions et de trouvailles, comme un fabuleux atelier de maquettiste où il anime tout un monde en miniature. Cette grande et belle scène d'ouverture déploie tout le mystère qui va envahir la tranquillité du village et inquiéter Jamie : petit à petit, les machines électriques du révérend tournent au blasphème de se comparer à Dieu, de proposer le contrôle d'une puissance supérieure à celle de Dieu, la foudre. Puni dans son outrage par la mort de sa famille – le châtiment chez King revêt souvent une vertu antique – le révérend devient un autre homme, qui sombre, délivre un dernier message blasphématoire puis disparaît.


Jamie grandit, découvre l'amour et les plaisirs interdit (alcool, drogue) et le rock. Toujours le réalisme de King pour mieux faire sentir le hiatus qu'il va faire naître petit à petit. Le révérend est toujours présent en trame de fond, l'influence qu'il a eu sur Jamie est toujours prégnante. Et, comme une apparition, Charles Jacobs réapparaît ! Sous un chapiteau d'illusionniste, il fait des tours de magie et prétend guérir au moyen de sa chère électricité. Si Jamie, toxicomane, veut croire que le bonimenteur forain peut le guérir, la question des effets secondaires et des intentions réelle demeure cependant floue, aux limite de la magie noire. Mais quelle est la part de folie, d'abus de pouvoir et de manipulation dans une horreur croissante qui s'impose dans un univers très réaliste et riche d'une belle nostalgie ? peut-on parler d'abus de crédulité ou de nécromancie ?


Placé sous l'héritage du conte fantastique d'Arthur Machen Le Grand Dieu Pan qui "a hanté toute [la] vie" de Stephen King, Revival pose la question des frontières entre la technique et la magie, l'humain et la folie, et plonge le lecteur dans une ambiance qui tourne petit à petit aux frémissements de la folie. Un grand King, sobre, doux, et terrifiant sans effets de manche et monstres sanguinaires, mais par ce qu'il trouve de noirceur dans l'âme humaine.



Loïc Di Stefano

Stephen King, Revival, traduit de l'anglais (USA) par Océane Bies et Nadine Gassie, Albin Michel, octobre 2015, 438 pages, 23,50 eur
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