Stig Dagerman : sans issues

Le recueil de nouvelles Les Wagons rouges est l'exemple même d'un écrivain de l'absurde, du cauchemar et de l’angoisse. Surgit ici une inextinguible solitude signe autant d'un enfermement que d'une rupture avec le monde. Elles auront raison de l'auteur lui-même : tombant dans la dépression, il se suicide à 31 ans.
Ces nouvelles sont donc celle d'une hantise qui trouve là une expression inhérente au domaine du fantastique. Ce qui n'exclut pas l'humour - tant s'en faut. Par exemple dans le face à face à un accusé du vol d’un brise-Glace et un juge qui passe son temps à activer une petite guillotine de bureau - qui au passage tranche le doigt de l’huissier qui vient affuter la lame. Mais dans ce qui tient d'une suite au Procès de Kafka bien d'autres soupçonnés aléatoires s'accusent à qui mieux mieux.
La nouvelle qui donne le titre au recueil reste la plus forte. Un jeune homme y est bouleversé par la vue d’un bloc de glace qui débaroule sur le train où il se trouve sur les rails. Il habite près de cette voie ferrée. La présence de ce train il l'entend arriver presque sur lui chaque jour et le rend quasiment psychotique. Il commence – ou finit – par voir le mal partout et  cela l'entraîne jusque dans son métier dont il va être licencié dans des visions et des actes pour se fuir et se détruire. Tout est là. Plus question de littérature de déconstruction mais – et c'est plus profond – de destruction.

Jean-Paul Gavard-Perret

Stig Dagerman, Les Wagons rouges, traduit de l'allemand par Carl Gustaf Bjurström et Lucie Albertini, Éditions Maurice Nadeau, janvier 2021, 212 p.-., 9,90 €

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