Ce jour-là, j’ai commencé à détester les terroristes de Cypora Petitjean-Cerf : Paroles de collégiens

Cypora Petitjean-Cerf est l’auteur de quatre romans chez Stock. Elle est aussi professeur de lettres dans le Val de Marne dans un collège qu’elle présente comme « ne comportant ni classes d’élite ni classes poubelles ». Une école lambda donc, où toute la diversité sociale, éthique et culturelle de la France d’aujourd’hui est représentée. Après les attentats de janvier, cette jeune femme a eu la bonne idée de demander à ses élèves de 4e  et de 3e de raconter comment ils ont vécu les attentats, sans crainte d’être jugé ou noté.

 

Le résultat ? Bluffant. D’abord parce que les enfants avaient vraiment envie de s’exprimer et qu’ils l’ont fait sans tabous ni gêne. Ensuite lire ces témoignages va à l’encontre de pas mal d’idées reçues et de préjugés sur la banlieue. Non, les enfants ne pensent pas tous de la même façon, et non encore ils ne trouvent pas, loin de là, que les dessinateurs de Charlie Hebdo l’ont bien cherché comme on a pu le lire de-ci de-là.   Même chez des musulmans d’origine plus modeste, se montrer choqué des caricatures du prophète ne se conjugue avec aucune apologie du terrorisme. Et chez la plupart des élèves, un comportement agressif au collège ne les empêche pas d’avoir des idées pacifistes au sujet de la liberté d’expression.

 

De manière intelligente et avec beaucoup d’humanisme, l’auteur décortique tous les discours, faisant ressortir l’intention des élèves, mettant en perspective les affirmations et les croyances. Ce faisant, elle dresse un tableau de la jeunesse d’aujourd’hui, obsédée par le sentiment d’injustice et pour ceux qui se proclament anti-Charlie par le refus des adultes, donc par l’affirmation de soi. La théorie du complot n’est pas oubliée car elle attire les jeunes, mais plus pour son côté transgressif, mystérieux, inconnu que pour son explication du monde. On parle évidemment de Dieudonné  dans les copies rendues mais plus comme d’un homme en colère et à ce titre un modèle qu’un idéologue à suivre. D’ailleurs la majorité des enfants ont du mal à savoir quelles sont les opinions politiques de ce comique qui ne fait plus rire personne aujourd’hui…

 

Pour conclure, Cypora Petitjean  pointe du doigt la culture de la violence dans laquelle baignent certains et montre que les élèves les plus engagés sont ceux dont les parents recherchent la mixité sociale de leur ville. Moins que la religion, c’est donc l’origine sociale et le niveau d’éducation qui font toute la différence. À lire absolument pour comprendre à travers les phrases simples, émouvantes et toujours vraies de collégiens, nos enjeux actuels.

 

Ariane Bois

 

Cypora Petitjean-Cerf, Ce jour là, j’ai commencé à détester les terroristes, Stock, avril 2015, 144 pages, 13 € 

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