Appelez-moi Lorca Horowitz, de Anne Plantagenet : Je suis une autre

Elle s’appelle Lorca, pèse 72,5 kilos et est mal fagotée. Son mari l’a quittée et elle se rêve jolie, riche et influente. En entrant comme secrétaire chez un couple d’architectes influents les Perales, Lorca va trouver bien plus qu’un job sous la houlette de patrons bienveillants. Elle se métamorphose, ressemble chaque jour davantage à sa patronne Rocio au point de plonger celle-ci dans une dépression profonde et pique dans la caisse afin de devenir celle à qui elle a envie de ressembler. Et d’anéantir psychiquement la pauvre Rocio, qui ne voit pas le coup arriver.

 

De ce fait divers qui a secoué l’Espagne il y a quelques années, Anne Plantagenet, la talentueuse auteur de Trois jours à Oran (Stock) reconstitue avec minutie l’histoire, le processus psychologique qui fait que l’on prenne la vie d’une autre dans un détournement de personnalité inquiétant.

 

Mais l’écrivain se penche aussi sur sa propre histoire : elle aussi a vécu en Espagne, a aimé un homme, a vécu la passion qui électrise. Au fil du récit habilement mené avec des chapitres courts qui s’entrecroisent, la narratrice va se confondre avec son héroïne dans un jeu de miroirs glissant et glaçant. Quelles blessures cache Lorca pour essayer de s’immiscer ainsi dans la vie de ses patrons, quelle enfant a-t-elle été ? À un certain moment, on ne sait plus qui parle, l’auteur en quête de vérité ou la voleuse, en quête de mensonge.

 

On songe à Vertigo mais surtout à L’Adversaire d’Emmanuel Carrère et l’on n’oublie pas la narratrice dont la photo en femme fatale et mystérieuse en couverture nous pourchasse bien après la lecture du livre terminé. Un coup de maître entre deux miroirs tendus par la vérité et les illusions de l’autre.Vertigineux.

 

Ariane Bois

 

Anne Plantagenet, Appelez-moi Lorca Horowitz, Stock, janvier 2016, 210 pages, 18 € 

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