Les multiples vies de Jeremiah Reynolds

Rarement existence aura été plus riche que celle de Jeremiah Reynolds, un aventurier américain du XIXe siècle. Né dans une famille très pauvre, il fera tous les métiers, bûcheron, orateur, découvreur de l’Antarctique, colonel dans l’armé chilienne, écrivain, avocat… A vingt ans, il rencontre Jon Cleeves Symmes, capitaine désireux de vérifier une théorie qu’il a échafaudé : selon lui, la terre est creuse, sans doute habitée sous la surface, l’entrée se faisant par des ouvertures situées aux deux pôles.


Jeremiah Reynolds, séduit par l’idée parvient à convaincre le président des Etats-Unis à financer une expédition sur l’Antarctique. Aucune issue n’est trouvée mais il est sans doute le premier homme à avoir mis le pied au pôle sud… Après ce voyage, il tombe amoureux d’une jeune femme et devient colonel dans l’armée chilienne puis chef militaire des armées mapuches. Deux ans plus tard, il projette de mettre sur pied une chasse à la baleine. Ambition qui tourne court. Il réalise un demi -tour du monde. Il est ensuite secrétaire du capitaine d’un navire pendant quelque temps.


Enfin, il rentre à New York, reprend des études de droit, dans le but d’être avocat, se marie et devient le grand ami d’Edgar Allan Poe qui s’inspire de lui pour écrire Les aventures d’Arthur Gordon Pym.


A ses heures perdues, il écrit Mocha Dick, un récit de traque à la baleine blanche douze ans avant Melville qui s’inspira peut-être de lui dans Moby Dick.


Enfin, il s’éteint à 59 ans, mélancolique et fatigué : « Tout le monde ou presque était mort ». Ne restait plus de ses exploits que de beaux souvenirs mais personne à qui les transmettre, il n’avait pas de famille.


Les multiples vies de Jeremiah Reynolds est un court roman d’aventures mais surtout une histoire vibrante qui révèle un destin hors norme, celle d’un inconnu qui rencontra les plus grands personnages de son temps et épousa les désirs de l’époque, le tout à la vitesse de l’éclair.


En s’emparant de cette histoire qui inspira Sidney Pollack en 1972 pour son film Jeremiah Johnson, Christian Garcin avec ses phrases longues et musicales redonne vie à une légende américaine un peu oubliée. Une personnalité qui par son charisme et son originalité inspira deux des plus grands romans du XIXe siècle. Sur son lit de mort, Edgar Poe aurait eu ces mots : « Reynolds, Reynolds, Reynolds »…


Avec une grande virtuosité, l’auteur enchaîne les multiples vies de son héros et laisse le lecteur, pantois devant une telle habileté qui ne laisse la place à aucun temps mort, à l’image du personnage.


Brigit Bontour


Christian Garcin, Les Multiples vies de Jeremiah Johnson

Stock, janvier 2016, 167 pages, 17 euros


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