La guerre du Pacifique, sur l'autre rive de la seconde guerre mondiale

Ecrire des ouvrages d’Histoire n’est pas réservé aux historiens de profession : des passionnés peuvent aussi s’emparer de sujets négligés par l’université ou peu connus du grand public. C’est le cas de Nicolas Bernard, qui a déjà publié en 2013 La guerre germano-soviétique (Tallandier, 2013). Pour le grand public français, cela constituait une occasion de découvrir avec précision ce qui s’était passé sur le front de l’est lors de la seconde guerre mondiale : rappelons que c’est clairement l’armée rouge qui a cassé les reins de la Wehrmacht, grâce à une doctrine militaire, l’art opératif, privilégiant les assauts en profondeur. Avec ce nouvel opus, La guerre du Pacifique, Nicolas Bernard étudie rien moins que la seconde guerre mondiale en Asie. Il était temps car peu de grandes synthèses existent sur le sujet en langue française : on recense juste un ouvrage de Bernard Millot datant de 1968…

Les ambitions du Japon

Dans cette Asie colonisée par les européens, le Japon fait figure d’exception : c’est la seule puissance non européenne, industrialisée, grâce à l’action de l’empereur Meïji. Le Japon a de plus développé son propre empire colonial en annexant Formose suite à une guerre contre la Chine et surtout en battant la Russie en 1904-1905, notamment en détruisant l’escadre du pacifique lors de la bataille de Tsoushima. Allié à la Grande-Bretagne, le Japon acquiert les colonies allemandes pendant la première guerre mondiale. La caste militaire, divisée entre la Marine et l’armée de Terre, pousse l’Etat japonais, devant les difficultés économiques, à militariser la société et à donner au Japon un grand Empire asiatique, d’abord en Mandchourie en 1931 puis en déclenchant la guerre contre la Chine en 1937. Le Japon se retrouve rapidement dans une impasse, comme le démontre Nicolas Bernard, car il n’a pas de pensée stratégique et hésite sur l’ennemi à affronter : soviétiques ? Américains ? colonisateurs européens ? La défaite devant les soviétiques en 1939 pousse alors les dirigeants japonais à profiter de la défaite française en 1940 avec la mise sous influence de l’Indochine. Le Japon continue de se battre en Chine contre Tchang Kaï-Chek, soutenu par les américains. Des américains qui prennent des mesures de rétorsion, comme l’embargo sur le pétrole qui menace directement les ambitions nippones. Naît alors une idée folle dans l’esprit des militaires japonais : frapper les Etats-Unis pour les forcer à terme au compromis. De là le raid sur Pearl Harbor, audacieux, violent mais stérile (les porte-avions américains sont ailleurs).


Une guerre violente, aux relents racistes

Allié à l’Allemagne nazie, le Japon conquiert de vastes territoires en 1942. La chute de Singapour frappe les opinions publiques et est un coup mortel porté au prestige du colonisateur britannique. Cependant, les japonais, imbus de leur supériorité, ne gagnent pas les âmes et les cœurs des populations qu’au fond ils méprisent. De plus, ils maltraitent (voire massacrent) leurs prisonniers, ce qui choque profondément les alliés. En face, les stéréotypes racistes abondent sur les japonais, accusés d’être des traîtres, de se battre comme des animaux. On les qualifie de singes ou d’insectes. De fait, les combattants américains manifestent une haine des japonais qu’on ne retrouve pas en Europe contre les allemands. Du côté japonais, l’américain fascine autant qu’il suscite jalousie et mépris. D’où la férocité des combats à Tarawa, Okinawa ou Iwo Jima.


Comment sortir de l’impasse ?

Le génie tactique de MacArthur, la stratégie d’amiraux comme Nimitz ou King (démontré à Midway) allié aux formidables ressources matérielles des Etats-Unis, donnent très vite l’avantage à l’oncle Sam. Mais comment réussir à défaire un adversaire qui se bat durement et refuse de se rendre ? C’est là qu’intervient la décision de larguer la bombe A sur Hiroshima et Nagasaki, qui frappe les japonais, autant que l’offensive soviétique en Mandchourie qui défait l’armée du Kwantong.


Voici un ouvrage dense, très bien documenté, écrit dans un style clair et jamais ampoulé.  François Kersaudy rend dans sa préface un hommage mérité à ce magnum opus qui fera date. De la grande Histoire.

 

Sylvain Bonnet


Nicolas Bernard, La guerre du Pacifique, préface de François Kersaudy, Tallandier, octobre 2016, 816 pages, 29,90 €

Aucun commentaire pour ce contenu.