Tamina Beausoleil la chirurgienne

Lorsqu’elle s’est regardée pour la première fois dans un miroir, Tamina Beausoleil ne s’est pas confessée. Elle n’a pas estimé qu’elle avait péché et n’a même pas eu l’idée de prier la Vierge Marie, les anges et tous les Saints. Pas question de pénitence : l’artiste ignore la repentance et elle a bien raison.
Elle a d’autres chats, ou plutôt d’autres corps, à fouetter que le sien pour voir ce qui se passe dedans. Ses princesses au corps tendre sont habitées de "monstres".
C’est pourquoi elle les scénarise de manière qui peut sembler baroque.

 

Fracassantes à leur manière les images montent à l’assaut des idées reçues. Et l’artiste ne rate pas sa cible.
Un monde y grouille d’étranges occupants. Ce ne sont pas des anges.
L’adoration du voyeur en est remisée. Il comprend de qui les belles sont captives sont l’otage et sait qu’elles lui proposent son propre miroir. Douces, pulpeuses, poétiques, les sirènes ne sont par marquées d’étoiles de mer. Tout un peuple intérieur les chevauche.
Ce qui ne veut pas dire pour autant que les femmes soient des frivoles soumises. Surface trouée le corps permet d’atteindre moins la grâce que le trouble.

 

 

 

 

La princesse de glaive n’offre pas pour autant un crève-cœur mais des marges au sein des ventres. Il ne faut pas que ça saigne.
Tamina Beausoleil rappelle qu’il existe toujours de belles surprises dans une belle personne. Mais son miroir est profond. La créatrice ailée, chirurgicale, drôle, douloureuse (un peu), impertinente (beaucoup) présente un moi qui est moins un que multiple. La femme n’est plus elle-même : mais elle ne se transforme par pour autant en expectatrice du mâle.
Son sexe ne hurle pas famine. Même si les images n’ont rien de pieuses elles ouvrent un monde où l’inconscient trouve une visualisation. L’œuvre devient une histoire de fondements et de fondations.
Le corps n’est pas seulement mis à nu il devient corpus et chose extraordinaire en ses abattis.

Fourmillent des animaux de tout genre dans des intestins sous la grande nacre du ventre. Les bestioles n’y ont plus rien de faméliques.
Certes leur lustre rend jusqu’au bouc novice mais la femme à d’autres souci que de caresser la corne d’abondance. En sainte démoniaque elle ne se contente pas de montrer ses seins. Chaque femme vit d’autres vies et une résurrection la travaille.
Sortent de son corps des trésors imprévus dont nul ne sait de quelle réserve ils parviennent jusqu’à nous. La créatrice lève des couleuvres d’une obscénité particulière. Elle laisse à un voyeur le crime d’amour et le poignard à un autre. Manière de pénétrer métaphoriquement les corps pour que ce qui les hante s’anime.
Les femmes n’ont pas besoin de fard et de rouge à joue qui maquillent les vieillesses d’Ensor.
L’artiste impose ses métamorphoses qui sont l’inverse de mystifications.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Tamina Beausoleil, Exposition Corps caverneux (La grotte du mouflon) avec Marie Breger, Galerie de l’Open Bach, Paris 13ème, du 15 au 19 novembre2017.

Tamina Beausoleil : Coffret, éditions littérature mineure, Rouen, 2017, 25 euros

Aucun commentaire pour ce contenu.