Les Huns et les autres - Jean-Pierre Georges

Dans l’acte – pas si minimaliste que ça – d’assembler des fragments, ce livre devient une course de haires. Chaque nouveau texte peut sembler toujours plus inachevable que le précédent mais c'est sans doute ce qui me permet à cette  dérive de se poursuivre.

Gommant les contours du récitatif et ne prétendant jamais devenir moraliste, Jean-Pierre Georges, même s'il transforme des textes en maximes, se plait à cultiver une fausse insignifiance voire une auto-insuffisance. Le tout  en une stratégie de négociation avec le néant.

Cela évite les coordonnées trop précises de l’espace et du temps sauf bien sûr lorsque la nécessité s'en fait sentir. Restent des épiphénomènes et autres plaisanteries en guise d'épiphanies.
Pour autant toute la comédie humaine passe par celui qui s'accommode de bien des gommages pour ne laisser que le meilleur du pire. Sans cesse il  lance à son lecteur un mot du genre : je ne suis pas long je reviens.

Et nous l'attendons benoîtement en espérant que les martinets – qui crient comme si on les égorgeaient – le laisse à son bain d'optimiste et de pessimisme – ce dernier par "coquetterie intellectuelle" à laquelle nous souscrivons. Mieux : nous lui en savons gré.
En ce sens ce livre altier et drôle ne manque pas de distinction. Ce que s'écrit reste une suite de chutes libres au besoin en corbeilles à papier.  Preuve que, par ses fragments, l'auteur, en dépit de ses sauts, ne manque pas de cohérence narrative. Il ne ressemble en rien aux volatiles à plume qui sautent  du coq à l’âme pour se faire anges.

Ici les stratégies de ruptures et de liaisons obliques, privilégient à la continuité la biffure. L'auteur en dépit de ses saccades prend son temps pour révéler autant son plein que son vide, les sensations que les ennuis de l'âge sans se préoccuper d'avoir raison ou de croire l'infirmière qui parlant d'une de ces cicatrices affirme qu'elle est belle. Chaque fois rappelle l'auteur elle dit cela en finaude prêtresse.

Dans ses vaticinations Jean-Pierre Georges ne cesse de surprendre. Et si  dans la vie il bafouille, en écrivant il sait égrainer l'inutile. Que demander de plus ? Un tel pli est sans doute le meilleur moyen d'éviter tout ratage. Ou de le renforcer. Mais c'est un plaisir. Et aussi un moyen d'éviter l’asphyxie, la bronchiolite des élites et leurs petits sifflets. Écrire comme il le fait permet de respirer un peu plus au sein de nos propres fissures.
 

Jean-Paul Gavard-Perret


Jean-Pierre Georges, Pauvre H., Tarabuste éditeur, avril 2021, 220 p-., 16 euros

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