Avec "Les Beaux Jours d’Aranjuez" le théâtre de l'Odéon n'a que trouvé les mots de l'amour...

Photo © Ruth Walz

La scène impose sa viduité, remplie de silence. Lorsqu’un temps –mesuré – après, les acteurs émergent de l’orchestre, leur dialogue s’instaure spontanément ; on est d’emblée installé dans l’ordre des échanges intimes. Le plateau est, en son fond, occupé par un rideau, sur le côté par un tableau à la Corot, en forme de triptyque, une table et des chaises de jardin. Le texte de Peter Handke traque les implicites de nos vies, les méandres de nos mots à jamais insuffisance. Les acteurs investissent diversement leur propos, alternant des moments de pression intense à des temps d’indifférence. On évoque parfois des règles, qui supposent un jeu prédéfini pour les paroles prononcées. C’est l’homme qui pose les questions, qui s’efforce de donner le rythme, se montrant brusque, et même violent dans ses gestes envers la femme. Les expériences sexuelles qu’elle relate prennent souvent une tonalité métaphysique.


Cette interminable investigation du passé ne manque pas d’interroger sur le présent, sur ce vécu d’êtres semblant suspendus à leurs paroles salvatrices, dépendant du rôle qu’ils se sont ici attribué. Il se passe quelque chose qu’on ignore, et dont on pressent qu’on ne le saura jamais. Luc Bondy, nouveau directeur de l’Odéon, produit des spectacles justes, subtils, sertis, mais peu attrayants. Il ose porter à la scène une œuvre simple, mais douée de son hermétisme. Il choisit de ne pas lever, mais de nourrir cette opacité, accompagné sinon conduit sur ce chemin par la scénographie signée Peter Handke lui-même. Le moment de cocasserie de la pièce ne parvient pas à égayer l’atmosphère. Le théâtre décidément c’est bien, mais c’est dur. L’écriture reste incontestablement intéressante, mais ne parvient pas à constituer une dynamique théâtrale. Ces deux-là cherchaient sans doute quelque chose comme l’amour ; ils n’en ont trouvé que les mots.


Christophe Giolito


DIE SCHÖNEN TAGE VON ARANJUEZ

Les Beaux Jours d’Aranjuez

de Peter Handke

mise en scène Luc Bondy

en allemand, surtitré

 

avec Dörte Lyssewski et Jens Harzer


 

Scénographie : Amina Handke

Costumes : Eva Dessecker

Lumière : Dominique Bruguière

Son : David Müllner

Dramaturgie : Klaus Missbach

Production Wiener Festwochen

Burgtheater - Vienne

créé le 15 mai 2012 aux Wiener Festwochen

Du 12 au 15 septembre 2012 au Théâtre de l'Odéon 75006

20h du mardi au samedi 15h le dimanche

Le texte de la pièce a paru aux Editions Le bruit du temps en 2012.

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