Neuf Petites filles, de cruels jeux d'enfants

La représentation commence par une citation, présentée en front de scène, qui expose le thème : l’enfance et ses indéfinies ambigüités. Quand le rideau s’ouvre, des mots s’égrènent en grandes lettres autour des petites filles, sur les murs, au rythme d’une musique lancinante, formant comme une farandole envoutante dont on voit que le pouvoir tient aux résonances : il s’agit moins d’une danse du sens que d’assonances. Le motif sera repris plusieurs fois : jeu de membres, de représentations, de fantasmes. Les petites filles sont toutes habillées d’une robe blanche tachée de rouge, comme si elles s’étaient salies à quelque activité ludique ou sadique. Le texte d’Isabelle Roche est vif, froid, presque acide, en ce qu’il montre tous les abimes investis de manière naturelle, franche et irresponsable des enfants. On assiste à des drames dépouillés de tout aspect tragique.

 

Le spectacle joue sur les contrastes : les petites filles gueulent des gentillesses et chantonnent des cruautés. Les jeux des enfants apparaissent spéculatifs : ils réfléchissent notre monde avec leur regard direct, leurs gestes durs, leurs mots drus. De la sorte, on finit par ne plus savoir si les personnages se racontent des histoires ou si leur propos exprime le devenir de ces femmes dont la vie n’est ni plus ni moins sérieuse que les relations qui se nouent dans la cour de récréation. La profération naïve favorise la décontextualisation et permet la confusion de l’anticipation, de la restitution et de la prophétie. A la fin, un poème clôt le propos de façon symétrique. Une représentation dynamique, forte, bien servie par des interprètes justes, souffrant seulement d’un défaut de redondance : comme les jeux d’enfants, le procédé est répétitif.

 

Christophe Giolito

 

Neuf petites filles de Sandrine Roche, mise en scène de Stanislas Nordey

 

Avec

Marie Cariès, Nathalie Kousnetzoff, Sophie Mihran, Julie Moreau, Anaïs Muller, Julie Pouillon, Karine Piveteau, Lamya Regragui, Margot Segreto.

Collaboratrice artistique Claire-Ingrid Cottanceau ; scénographie Emmanuel Clolus ; lumières Stéphanie Daniel ; composition musicale Olivier Mellano ; assistante costumes Myriam Rault ; peintures costumes Anne Leray.

 

Au théâtre de la Ville, Théâtre des Abbesses, du 19 au 30 novembre 2014, du mercredi au samedi à 20h30, le dimanche à 15h.

http://www.theatredelaville-paris.com/spectacle-neufpetitesfillesstanislasnordey-755

 

Le texte Neuf Petites Filles est publié aux Éditions Théâtrales en 2011.

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