La nuit et le moment, le libertinage façon grivoiserie

Un temps de noir installe le public dans une atmosphère intime ; dame Cidalise se prélasse ostensiblement la nuit venue. Les quelques notes de piano qui constituaient le fond sonore sont interrompues par l’entrée brusque d’un homme qui ouvre un échange aux allures de combat verbal. Le dialogue est celui de deux libertins qui, sous prétexte de se refuser, en se défiant, découvrent qu’ils n’ont d’autre objet que de se conquérir. La séduction tient autant et plus aux déclarations qu’aux dispositions. La langue du XVIIIème siècle sert bien ce jeu de circonvolutions de contorsions. Les acteurs épaulent avec ferveur les choix vigoureux qui sont faits pour représenter ce moment nocturne.

 

Le dialogue est interprété comme une joute dont les répliques sont non seulement soulignées, mais encore appuyées par les mimiques et le jeu de scène des comédiens. L’échange d’arguments est figuré en joute violente, nourrie de coups de contradictions. Le propos est vif et même virulent, jusqu’à donner de l’acte sexuel une version agonistique. Le spectacle est plaisant, mais ne met pas en relief le texte : il ne parvient pas à cultiver une distance à l’égard de l’auteur, de sorte qu’il ne présente pas ses parti-pris comme tels, mais semble seulement souligner les termes de l’œuvre, au risque de la réduire à sa seule connotation égrillarde.

 

Christophe Giolito

 

La nuit et le moment d’après l’œuvre de Crébillon Fils, mise en scène et adaptation de Melissa Broutin.

 

 

Avec : Thomas Durand et Marie-Alix Costé de Bagneaux.

Lumières : Nicolas Bats

Au théâtre du Lucernaire, 53, rue Notre-Dame des Champs,

75006 Paris, du 17 juin au 8 août 2015, durée : 1h.

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