Le théâtre didascalique de Philippe Jaffeux

1222 répliques pour 26 acteurs venant de la salle ou des cintres, côté jardin botaniques et cours des miracles : tel est l’enjeu de celles ou ceux  qui auront à incarné deux personnages dans un dialogue de sourds, de cire plus que de circonstance où rien ne sera dit sauf le non nécessaire. A savoir l’évocation de la partie manquante d’une « triangulatoire » fantomale. Un « IL » parfaitement muet mais bavard par contumace est pisté et évoqué par ceux qui-  n’osant jamais le « je » ou le « tu »- se fendent d’un nous dont les répliques peuvent être émises par les acteurs dans un ordre aléatoire et chaosmique.

Preuve que le dialogue pourrait sembler venir de partout et de nulle part dans ce théâtre du « non » et du « nous ». Son but : devenir un « doublon qui dédouble le doublage de nos doublures  dupliquant un duo de redoublements ». Et ce jusqu’à ce que ce « nous » qui se noue soit une absence propre à un chaos théâtral dont le but se perd délicieusement en route en ce qui ne tient pas forcément d’un délire verbal.

Est créé ce  que  même - et en ses meilleurs jours -  Artaud n’aurait osé rêver. Du « Théâtre et son double » on passe au théâtre qui se dédouble par un adoubement  où le supposé dialogue tord le « coup » du dualisme. Le tout écrit avec l’énergie psychique dont Philippe Jaffeux-  qui n’ jamais été aussi en verve – est capable pour exprimer moins un eux en nous qu’un nous en nœuds en un infini farcesque expérimental où seul l’aphasie permet au discours du suivre son cours. Que demander de plus ? On se serait presque contenter de moins….

Jean-Paul Gavard-Perret

Philippe Jaffeux, « Deux », coll. Théâtre, Editions Tinbad, Paris, 234 p., 21 E., 2017.

 

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