"Les vingt jours de Fontainebleau", la chute du titan

2014 verra le centenaire du déclenchement de la Grande Guerre mais aussi le deux centième anniversaire de la campagne de France qui vit la chute du Premier Empire. C’est donc l’occasion pour le directeur de la fondation Napoléon, Thierry Lentz, de nous offrir un nouvel ouvrage, les vingt jours de Fontainebleau. L’objectif du livre est simple : reconstituer le détail des jours séparant la chute de Paris (31 mars 1814) du départ de Napoléon de Fontainebleau pour l’île d’Elbe et analyser le processus qui l’a mené à abdiquer.


Un combat perdu d’avance ?


Avant Fontainebleau, il y a la campagne de France. Après Leipzig où 160 000 français ont combattu trois jours contre près de 300 000 russes, autrichiens et prussiens, force est de reconnaître que les jeux sont maintenant pratiquement faits. L’empire français est condamné : l’Italie est perdue en février et les anglais franchissent les Pyrénées. De plus, Napoléon commet l’erreur de laisser des dizaines de milliers d’hommes s’enfermer dans des forteresses, à Anvers par exemple, qui auraient pu être ramenés en France et peser dans les combats. Cependant, Napoléon remporte plusieurs batailles à marche forcée qui démontrent une fois son génie militaire et font douter les alliés. Réunis en congrès à Chatillon, ils continuent de réclamer une négociation sur la base des anciennes frontières de 1792. Après avoir envisagé, la mort dans l’âme, de le faire, Napoléon ordonne, grisé par ses victoires, de négocier sur la base des « frontières naturelles » (incluant Belgique et Rive gauche du Rhin) : cette erreur conforte les alliés qui se liguent contre lui pour une durée de vingt ans lors du pacte de Chaumont.


La prise de Paris, capitale d’un pays hyper centralisé, sonne le glas de l’empire. Napoléon met du temps à l’accepter. Si la célèbre scène des maréchaux venus le sommer de partir n’a en fait jamais eu lieu, tous les dignitaires aspirent à la paix. La défection du maréchal Marmont constitue le signe de la défection progressive des élites impériales : ils devaient tout à Napoléon, ils ne le lui rendront rien… Peu à peu, il se résout à l’abdication en faveur de son fils. Mais les intrigues de Talleyrand en faveur des Bourbons à Paris et l’hostilité du tsar Alexandre rendent impossible cette solution.


La tentative de suicide


Thierry Lentz apporte dans son livre la confirmation de la tentative de suicide de Napoléon, en recoupant les témoignages de Caulaincourt et de son valet de chambre. Pourquoi au fond en arrive-t-il à cette extrémité ? En moins de six mois, d’octobre 1813 à mars 1814, Napoléon perd son empire sur l’Europe à Leipzig puis sur la France après la prise de Paris par les alliés le 31 mars 1814. La disproportion des forces militaires rend impossible toute revanche, malgré la série de brillantes victoires tactiques remportées par Napoléon en février-mars 1814. L’Empereur des français, pour son plus grand malheur, est battu.


De plus, il pressent également qu’il est en train de perdre sa femme et son fils. Ici se mélangent des considérations sentimentales - être séparé de son fils est une chose terrible pour un père - et surtout dynastique : il comprend qu’être le gendre de l’empereur d’Autriche ne lui a apporté aucune considération de l’Europe monarchique (toujours se souvenir de l’adage « l’empereur d’Autriche n’a pas de fille »). Et là il se laisse aller au désespoir. Voir un pareil titan se révéler au fond si humain est une des nombreuses qualités d’un livre qui ravira l’amateur d’histoire. Analyste et historien, Thierry Lentz est aussi un conteur de talent : on attend la suite.


Sylvain Bonnet


Thierry Lentz, les 20 jours de Fontainebleau, Perrin, janvier 2014, 300 pages, 23 €

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