Noire belladone- Sombre et sensuelle Venise sous la plume de Thierry Maugenest

                   

Nous avions découvert Thierry Maugenest avec La septième nuit de Venise, le premier tome des enquêtes de Carlo Goldoni : c’est avec hâte et plaisir que nous avons commencé la lecture du deuxième volet Noire belladone, un titre sombre et sensuel tout comme la Venise du XVIIIe dans laquelle évoluent Zorzi Baffo et Carlo Goldoni.

 

Venise, 1730. C’est sous une chaleur caniculaire que Carlo Goldoni retrouve son ancien supérieur de la Quarantia criminale, Zorzi Baffo, après plusieurs années d’absence. Alors qu’il prépare une nouvelle pièce comique inspirée du contexte social et politique de la Sérénissime, Carlo Goldoni accepte de seconder Baffo devenu chef de la police criminelle. L’affaire est sérieuse : deux riches patriciens ont été retrouvés morts empoisonnés alors qu’ils devaient verser 100 000 ducats à un mystérieux inconnu. L’arme du crime est vite identifiée : l’Attropa Belladonna, la belladone. Mais le mobile des meurtres reste obscur et Zorzi secondé par Goldoni va avoir fort à faire pour trouver le coupable d’autant que sa position est menacée. Jouisseur invétéré, convive recherché pour ses poèmes érotiques, Zorzi profite de la débauche vénitienne connue et reconnue dans toute l’Europe. Mais Venise est soumise à l’influence croissante d’un sénateur puritain, Arto Massaro, qui souhaite se faire élire à la tête du Conseil des Dix. Soutenu par les Miliciens de la Foi, il veut rétablir la puissance de Venise en rétablissant l’ordre moral et en réarmant la République pour en finir avec sa politique de neutralité. Zorzi Ballo va donc se heurter aux Miliciens et à leur chef, bretteur reconnu, Girolamo Malarin.

 

Ah Venise ! Une fois encore, la Sérénissime a une place importante dans le roman de Thierry Maugenest. Des canaux sur lesquels œuvrent les gondoliers, aux places en passant par les palais des courtisanes, le cadre du roman vaut à lui seul le détour et nous offre la vision d’une ville assumant sa décadence à chaque coin de rue où l’on s’attend à croiser une courtisane dépoitraillée ou un confidenti encastré dans un coin de porte. C’est dans cette atmosphère que l’on retrouve nos deux enquêteurs : Carlo Goldoni, puisque la série porte son nom, et surtout Zorzi Baffo. La résolution de l’intrigue repose sur les qualités d’enquêteur de ce dernier : aimant les femmes, les plaisirs de la chair et du vin, il n’en reste pas moins alerte. Si les années et ses excès l’ont marqué physiquement, Baffo reste un excellent bretteur s’exerçant de la main gauche pour tromper ses adversaires. Fin connaisseur de l’esprit vénitien et des rouages politiques, Zorzi Baffo nous entraîne avec lui le long des ruelles et des canaux. Si nous avions pu regretter le manque de place laissé à Carlo Goldoni dans La septième nuit de Venise, le rôle de ce dernier est renforcé ici. Il apparaît vraiment comme le fidèle second de Baffo. Mais ce sont surtout les extraits de sa pièce, Le Sénateur dupe de lui-même, qui permettent à Goldoni de prendre une ampleur véritable dans cet opus. Rythmant l’intrigue, l’accompagnant, ces extraits présentent un intérêt à part : si l’on suit avec intérêt l’enquête de Baffo, on attend avec impatience la prochaine répétition pour découvrir la suite de la pièce, se moquer du sénateur et s’amuser des facéties de Gradelino.


Passionné par Venise, Thierry Maugenest réussit à nous transporter dans cette ville décadente pourtant si belle et si vivante. Un troisième opus Monsieur Maugenest ?

 

Julie Lecanu

 

Thierry Maugenest, Noire belladone, Albin Michel, avril 2015, 299 pages, 19,50 euros.

 

 NB : Thierry Maugenest collabore au Salon littéraire

Aucun commentaire pour ce contenu.