La cité des loges- acte III des enquêtes de Carlo Goldoni

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Toutes les bonnes choses ont une fin et avec La cité des loges, Thierry Maugenest nous offre le troisième acte des enquêtes de Carlo Goldoni. Nous retrouvons donc pour la dernière fois Zorzi Baffo, chef de la quarantia criminale et Carlo Goldoni, son ancien adjoint devenu auteur à succès de la  Commedia dell'arte.



Venise, 1732. Un confidente de Zorzi Baffo l'informe de la disparition d'un acteur de la Commedia dell'arte en pleine représentation. Cette disparition est bientôt suivie d'une autre. Plongé dans le monde de la comédie et des faux semblants, Zorzi Baffo doit faire appel encore une fois à son ancien adjoint, Carlo Goldoni. Leur enquête les mène au cœur d'une affaire non résolue : sept ans auparavant, le corps torturé et violé d'une jeune fille avait été retrouvé flottant dans un des nombreux canaux de la ville. Ecarté de l'enquête par l'inquisiteur d'Etat Giacomo Mezzetin, Zorzi Baffo n'a pas oublié cette jeune fille. En effet, il n'y a pas plus grand crime pour ce dernier "que celui de prendre une femme par la force alors qu'il est si beau de la séduire, de la charmer, de la voir s'abandonner à l'amour." Quel est le lien entre les deux acteurs disparus et cette jeune fille assassinée? Zorzi Baffo va devoir naviguer en eaux troubles pour découvrir la vérité d'autant que l'on cherche une nouvelle fois à lui nuire en publiant sans son autorisation ses poèmes érotiques.


Trilogie débutée par La septième nuit de Venise, poursuivie par Noire Belladone, les enquêtes de Carlo Goldoni s'achèvent ici dans un troisième acte où la décadence de la Sérénissime atteint son apogée. Dans le théâtre à ciel ouvert qu'est Venise, se déroule une pièce en trois actes débutée sept ans auparavant. Acte I : l'intrigue est posée. Deux acteurs que rien ne semblent relier sont enlevés à quelques jours d'intervalle sans laisser de trace. Acte II : la situation se complexifie encore. Le ravisseur joue avec les nerfs de Baffo, se moque de lui et le provoque tandis que le mystère entourant l'identité de la jeune femme commence à se lever. Acte III : les masques tombent. La vérité est révélée, centrée autour d'un théâtre clandestin offrant aux étrangers de passage, un spectacle plus vrai que nature. L'intrigue est menée avec intelligence et beaucoup de rythme grâce à des chapitres courts. Mais ce qui retient surtout l'attention, c'est le triptyque autour duquel est centrée l'action : Venise, Zorzi Baffo et Carlo Goldoni. Et là encore, La cité des Loges apparaît comme l'acte III d'une pièce débutée dans la Septième nuit de Venise. Venise tombe le masque et laisse éclater le degré ultime de sa décadence avec le théâtre clandestin où se joue un spectacle d'amour charnel d'un genre particulier tandis que le duo d'enquêteur atteint son sommet, chacun dans leur domaine. Zorzi Baffo se montre sous un jour plus sensible : il est capable de fermer les yeux lorsque la justice sert d'abord les puissants au détriment des plus faibles. Carlo Goldoni monte encore en puissance dans cet opus en tant qu'enquêteur mais aussi en tant qu'auteur. Tout d'abord, Goldoni ne fait plus de la figuration ici comme c'était un peu le cas dans les deux premiers tomes :  si Zorzi enquête, c'est cette fois Goldoni qui résout l'intrigue. Ensuite parce que son ascension s'accélère : reconnu, admiré, il est de plus en plus inspiré et fait littéralement tomber les masques de la commedia dell'arte pour libérer les sentiments des acteurs

 

C'est avec bonheur mais aussi avec un pincement au cœur que l'on referme La cité des loges car nous avons aimé la pièce qui s'est jouée dans les enquêtes de Carlo Goldoni mais nous en aurions voulu encore un peu plus. On ne sait jamais peut-être que l'auteur entendra notre requête...


 

Julie Lecanu

 


Thierry Maugenest, La cité des loges, Albin Michel, mai 2016, 299 pages, 19.50 euros.

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