L'Envers du monde. Thomas B. Reverdy : Une règle de trois

« Curieuse présence de l'absence dans le deuil » est un thème cher à Thomas B.Reverdy. L'envers du monde se présente comme le point de vue (aveugle) d'un triple point de vue (vide) sur l'événement qui aurait pu et qui aurait dû passer inaperçu : la découverte du cadavre d'un ouvrier sur le grand chantier de Ground Zero. C'est l'été 2003, un été lourd et chaud. L'envers du monde est un monde géométrisé par Reverdy le thaumaturge. Géométrie de l'origine oubliée. Il y a eu et il n'y aura plus.

« Est-ce qu'on peut mourir dans des endroits qui n'existent pas ? »


Trois points de vue sur ce rien. Trois personnages. Trois Chapitre. Pete, Candice, Simon.
Trois narrations pour un polar qui n'est pas un polar, pour un roman qui n'est pas un roman.


Le narrateur est au troisième rang. Mais il pourrait occuper une autre place. Il est français et écrivain. C'est Simon. Pete est en première ligne. Il est flic déchu et tout porte à le croire coupable du meurtre. Candice est serveuse et témoin.

Traversant le trièdre de toute part, voici O'Maley, l'inspecteur chargé de l'enquête. Passe-muraille pourfendeur de vide, de fausses pistes et de témoignages singulièrement contradictoires. Lui-même se demandera si l'événement a vraiment eu lieu. Car « il faudrait une vie pour raconter une vie ». Et cette vie disparue, incarnée dans ce cadavre sans histoire, n'intéresse au fond personne. Esclave moderne des pyramides américaines.


L'envers du monde n'est pas seulement le récit d'une reconstruction sur le vide, c'est le récit éloquent et silencieux, pudique donc, d'un bâtisseur anonyme, étranger, métèque. Le récit vrai dont le sujet est ce héros qui n'aura jamais la fierté de dire : j'y étais.


L'envers du monde coupe le souffle. A retenir un peu sa respiration, on commence à penser. 


Didier Bazy 


 Thomas B. Reverdy, L'envers du monde, Seuil, 2010, 265 p.

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