Sombre héros – Thomas Vinau

Dans Fin de saison un piteux héros se confine lui-même en sa cave. Il a la trouille mais fait preuve d'humour. Il  se moque des autres d'autant plus que quand tout le monde est mort c’est qu’il n’y a plus personne à décevoir.
Bref, Thomas Vinau amuse par les spéculations d'un aventurier en chambre digne de de Maistre – mais en plus fantaisiste.

Les envolées lyriques d'un tel personnage sont empreintes de brouillard épais. Tout comme ses colères, impulsions et divagations farcesques auxquelles le romancier donne un langage approprié comparable aux vrilles de l'orage qui gronde autour de la résidence du pétochard porteur – comme nom indien – de Petit caillou gris dans la prairie et Victor pour appellation plus commune.

Toujours est-il qu'il se trouve confronté à un cataclysme dont la fin est prévisible. Qu'il porte un masque, une combinaison de protection et divers accessoires  n'y change rien. Passionné de Science-Fiction comme des œuvres de Victor Hugo et de Bukowski, il s'attend à tout et surtout au pire. Ce qui ne l'empêche pas à faire le pitre.

En dépit d'une fin probable, il reste prêt à affronter la plus insidieuse des invasions. Ce qui le pousse à des élucubrations non forcément fallacieuses. Qu’est-ce qui manque vraiment quand on a tout perdu ? Qu’est-ce qu’on voudrait sauver ? telles sont les questions adéquates au moment où remonte dans la mémoire de Victor des plaisirs perdus. Entre autres, les interprétations de Haendel par Richter, du thé Earl Grey, les débardeurs qui laissent apprécier les épaules des filles, le rhum (vieux). Et la liste n'est pas exhaustives.

Il voudrait bien sûr fuir,  même s'il craint que dehors tout soit déjà foutu. Il s’aventure néanmoins pour finir sur un ponton qui s’élance vers l’océan en fureur. Avant il aura vécu sa fin du monde spéculative depuis l'abîme de sa cachette et de ses souvenirs. Toutefois la dystopie prend un cours particulier et change complètement de règles. Thomas Vinau  ne cherche pas à instiller chez le lecteur la peur de son sombre héros. Il préfère s'amuser, étonner, troubler et faire rire dans cette parodie qui mêle l'apocalypse et la difficulté à se réchauffer les arpions.  C'est le meilleur moyen de déminer une situation improbable par la loufoquerie. Elle initie à une fiesta paradoxale.
 

Jean-Paul Gavard-Perret
 

Thomas Vinau, Fin de saison, coll. "Sygne", Gallimard, octobre 2020, 192 p.-, 16 €
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