Espion de Dieu, de Juan Gomez-Jurado, un psychopathe vengeur lâché en plein Vatican

Prenez tous les ingrédients qui fonctionnent dans le polar depuis quelques années, du tueur psychopathe en liberté dans la ville aux arcanes du pouvoir religieux, agitez le tout avec un peu de talent d'écriture et vous obtenez un best-seller. La recette est éculée, certes, mais elle fonctionne encore, et cet Espion de Dieu en est la preuve.

Entre la mort de Jean-Paul II et l'avènement de son successeur, les cardinaux affluent au Vatican pour procéder au vote et c'est à cette occasion solennelle entre toutes qu'un meurtrier sanguinaire décide de s'en prendre aux électeurs à la pourpre si bien portée... Un meurtre, puis deux, des circonstances similaires et une barbarie dans le déchaînement de la colère contre des corps mutilés et amputés, des inscriptions en latin qui renvoient à la parole divine et aux châtiment, c'est le signe à la fois d'un même meurtrier et d'une manière de mission qu'il se serait donnée. Chargée de l'enquête, la charmante Paola va déchanter, s'apercevoir qu'elle n'est qu'un rien entre deux forces policières qui s'affrontent : la police italienne et la très secrète et très puissante sécurité vaticane.

Tout est bloqué, quand débarque comme un ovni — c'est en effet un rien trop simple — un prêtre, en mission pour la CIA, qui connaît tout du meurtrier, ses origines aussi bien que ses modes opératoires. Et nous avec lui, assez vite, nous rencontrons le monstre qui semble vouloir se venger de l'Eglise elle-même qui l'a rendu tel. Car avant d'être confié aux bons soins des traitements psychiatriques de choc d'un institut religieux de correction pour prêtre déviants, ce n'était rien d'autre qu'un curé pédophile comme il en existe tant…

Et l'on apprend que le jeune homme a subis de nombreux sévices, qu'il a été rendu monstrueux par sa mère puis par l'institution religieuse et que maintenant, c'est une bête froide lâchée sur sa proie. Très vite dans le roman cette vision apparaît comme un système à défendre : on connaît le meurtrier, ses motivations profondes, sa rage et ses peurs, mais il faudra attendre la fin du roman pour voir qu'il est lui aussi manipulé par un évêque voulant mettre de son côté plus de sang que de foi pour être élu pape. Une sombre affaire politique, en somme, où un criminel en col blanc manipule son monstre…

S'il n'était pas bien écris — malgré quelques lourdeurs, notamment quand l'auteur essaie de faire rire — cet Espion de Dieu serait à ranger bien vite. Mais il laisse un agréable souvenir de lecture. Et ce n'est pas si mal s'en sortir avec cette machinerie éculée. De la à en faire le best-seller européen qu'il a été, c'est quand même le signe qu'on ne lit pas beaucoup en dehors des autoroutes. Une belle ligne droite, longue et à l'arrivée programmée, parfois se laisse emprunter !

Loïc Di Stefano

Juan Gomez-Jurado, Espion de Dieu

  • Plon, mars 2007, 326 pages, 19,90 euros
  • Pocket, avril 2008

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