Miserere, Jean-Christophe Grangé s'en prend aux chorales paroisiales !

Des morts dans la communauté des chorales paroissiales parisiennes, une cruauté qui va crescendo, un duo d'enquêteurs aussi improbable qu'efficace, et la dichotomie de deux univers qui font plonger le lecteur dans le pur et l'impur à la fois : voilà les promesses tenues avec brio par le
redoutable Jean-Christophe Grangé.

Kasdan est un vieux flics : retraité et à l'ancienne, le parfait emmerdeur aussi bien pour les malfrats que pour ses collègues, qui cèdent à ses caprices par amitiés, habitude ou lassitude. Sa retraite est bien organisée, cadencée par ses activités sportives et associatives. Mais quand un meurtre a lieu dans sa paroisse arménienne — les premiers chrétiens d'occident, ceci est important —, il ne lui faut pas longtemps pour retrouver son habit de flic. Un meurtre étrange : pas de trace de violence sinon les tympans brisés comme par une très longue, très solide et très fine tige d'un métal qui n'aurait laissé aucune trace. Et c'est la personnalité de la victime qui va intriguer, car elle était maître de choeur dans plusieurs paroisse et, apparemment, victime de la dictature chilienne avec des choses à dire. Le côté mystique du crime : une inscription tirée du Miserere d'Allegri, l'un des plus purs chef-d'oeuvres de la musique chorale où les voix d'enfants expriment toute leur puissance et leur pureté. Rien de simple donc, et assez de bizarreries pour sortir Kasdan de sa retraite. Et plonger Grangé dans un mélange qu'il affectionne, avec plus ou moins de réussite selon les romans : crime et mysticisme.

L'enquête commence par le « voisinage » et bien vite Kasdan se retrouve avec quelques collègues dans les pattes. Pas question pour lui de laisser les officiels se charger de cette affaire, la BRD notamment, c'est sa paroisse, c'est assez sulfureux pour lui. Mais il va accepter l'aide d'un autre déclassé, Volokine, jeune surdoué de la brigade des mœurs qui tente plus ou moins de suivre sa cure de désintoxication. L'alliance des deux écoles, qui fera une belle amitié d'homme, va porter ses fruits, et c'est en puisant dans les démons propres à chacun (l'Afrique coloniale et sanglante pour Kasdan, les chorales pour Volokine) que ce duo improbable va parvenir à percer le mystère d'une sorte d'état dans l'Etat français, fait de puissance malsaine, de monstruosité, d'idéal neonazi et de vieux tortionnaires qui veulent aboutir par la souffrance au comble de la grâce !

Certes, le dénouement se précipite un peu, et les personnages manque d'un rien de profondeur, mais l'efficacité du roman n'en souffre pas. Très documenté, très cru, très précis pour mettre en exergue des points d'histoire politique qui, pour être vrais, n'en sont pas moins vraisemblables, les points forts de l'écriture « grangé » se retrouve ici parfaitement à leur place, en totale harmonie avec un sujet à la fois très souvent utilisé (les nazis, etc.) et pourtant très bien exploité. En prime, Grangé ne se prive pas de rappeler que les dictateurs de l'Amérique latine ont été formé par les occidentaux, tant les anciens SS que les Colonels français d'Alger. L'Histoire est souvent un support idéal à l'incroyable et à l'horrible, qui, savamment mis en scène, font de grands thrillers. Ce Miserere sans conteste est de ceux-là.


Loïc Di Stefano

Jean-Christophe Grangé, Miserere, Albin Michel, septembre 2008, 22,90 euros

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.