Monster, Patrick Bauwen plonge dans les manipulations et les fausses pistes d'une vie qui éclate

Patrick Bawen nous avait montré, dans son premier roman, L'oeil de Caine,
à quel point il pouvait être malicieux et  nous dérouter à chaque nouvelle étape un peu plus de nos certitudes. Il récidive magistralement avec une plongée poisseuse dans le monstrueux.

La vie de Paul Becker va changer sur un simple petit accident : son ami policier lui demande d'examiner, un soir,  un homme qu'il vient d'arrêter pour vagabondage. Dans sa clinique d'urgence privée, rien de plus normal. Mais, menotté, l'homme s'évade comme un magicien, laissant Paul au sol. Un peu plus tard, sur le parking, Paul trouve un portable et, ce que tout le monde aurait sans doute fait, dès qu'il se met à sonner il décroche. Et c'est ainsi que commence une plongée infernale qui va mettre Paul en dehors de sa petite vie rangée, le confronter à ses propres démons et lui faire traverser un univers glauque où l'écoeurement est la norme qui mêle trafic d'enfants et pédophilie sur Internet, meurtres odieux, ivresses politiques et mépris du monde le plus total. 

Poisseux !

La plongée dans le monstrueux, qui est graduée au fil des découvertes que fait Paul et qui le mettent de plus en plus hors de sa vie, certes peu brillante, mais réglée. Bauwen joue sur deux tableaux : les efforts que fait Paul pour comprendre tout en s'enfonçant de plus en plus, à son corps défendant, comme dans un sable mouvant inexorable, et les éléments externes qui se mettent en place contre Paul et le contraignent à faire face à sa propre histoire. Car la plongée dans la boue fait rejaillir ses propres fantômes, dont la figure paternelle entachée de nombreux racontars dont la plupart en font un sérieux criminel. Le face à face, attendu comme un moment fort du roman, va laisser un sentiment qu'une fois de plus, Paul n'est qu'un jouet manipulé par tout le monde et que sa vie n'est qu'une fausse piste qu'il suit faute de mieux.

Tout se résoudra, pour Paul, dans un final encore une fois déroutant où il ne pourra qu'admettre s'être fait leurrer, mais son opiniâtreté — cédons lui cela — lui offrira une revanche en pirouette sur la vie, sur les monstres qui la peuple et sur ses propres terreurs. Car l'on croise beaucoup de terrifiants personnages, du flic psychorigide qui pense à son poste, au politicien pourri jusqu'à l'os, des agents infiltrés aux psychopathes les plus purs, de la vieille maîtresse d'école acariâtre au faux-amis, rien n'est stable et tout pousse à la méfiance absolue. Sauf pour Paul qui, noyé dans cette impressionnante masse de faux-semblant, devra d'abord dépasser ses propres limites et ses propres blocages avant d'espérer comprendre un peu du jeu dans lequel il a été placé à son corps défendant.

Un roman déroutant donc, qui joue peut-être un peu trop sur les faux-semblants, mais qui au final laissera quelques belles suées et, sans autant séduire que le surprenant Œil de Caine, sera un compagnon de nuit blanche garantie !


Loïc Di Stefano 

Patrick Bauwen, Monster, Albin Michel, janvier 2008, 572 pages, 22,50 euros

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