Bien connu des services de police, le polar de la banlieue parisienne qui s'embrase pour ne plus s'ennuyer...

Le commissaire Le Muir, grande et belle femme, habitée par une ambition sans bornes, dirige le commissariat de Panteuil (lisez Pantin / Montreuil) dans une banlieue parisienne en proie aux forces conjuguées des gitans, des dealers, des squatters, des ripoux, des trafiquants de voiture et de politiciens calculateurs. Face à elle, même pas l'IGS, qui n'apparaît que pour faire un brin de ménage, voiture-balaie des flics ripoux contrôlée par les Hommes du Ministère, mais Noria Ghozali, une jeune femme intègre qui traque
 Le Muir et ses hommes pour son propre compte, comme un besoin surané de Justice...,  peut-être plus que pour celui des RG et à travers laquelle les traffics sont éclairés pour le lecteur... vain combat de valeurs qui n'ont plus cours...

Tout commence par le rançonnage de quelques prostituées dans un parking sous-terrain, et le tabassage d'un travesti, mais l'esprit du livre de Dominique Manotti est donné d'emblé : les macs sont d'une BAC (Brigade Anti Criminalité) et tout va être de cet ordre dans ce thriller servi par une écriture magnifique et une violence continue : les flics qui mentent pour couvrir leurs bavures racistes, les flics qui jouent au cow-boy avec les jeunes des Cités, les flics pourris autant que possibles, mais de simples marionnettes dans un dessein qui les dépasse de loin. Rien de manichéen, ni de simple, mais la peinture crue d'un monde en déliquescence dont les défenseurs eux-mêmes sapent les bases.

« — Tu sais, Sébastien, la vraie vie ne ressemble pas à ce qu'une chiée de pousse-mégots t'ont appris à l'cole. Les flics travaillent dans les poubelles du matin au soir, et ils font comme ils peuvent. Tu comprendras vite, comme tout le monde. »

Plusieurs mondes s'affrontent et s'unissent au gré des besoins d'une intrigue réduit à l'essentiel, le tout se mêlant dans une masse indisctincte d'hommes pris au jeu du crime : les anciens flics, qui font leur boulot sans plus y croire ou profitent de leur statut pour gérer leurs trafics, les jeunes recrues qui veulent y croire et vont confronter leurs idéaux à la réalité de la violence partagée et à l'inertie d'un suystème qui ne bougera peut-être que pour servir d'autres ambitions politiques ; les truands qui louvoient avec la Haute et sont très bien protégés, d'anciens barbouzes d'extrême droite qui mettent le feu aux squates... Les seuls qui y laissent leur peau, au propre comme au figuré, sont les faibles, les « gentils » : Sébastien Doche, jeune recrue qui s'est engagé pour sortir de sa propre banlieue et ne pas crever comme son pote, démissionne, dégoûté ; Ivan Djindjic, le flic qui voulait changer de vie et partir en province... 

« Bon, il ne faut rien faire sortir pour l'instant. Il faut attendre que le lien politique entre Le Muir et le ministre apparaisse publiquement, de façon à l'atteindre, lui, quand nous l'attaquerons, elle. Cela ne devrait pas tarder. À ce moment-là, tu fais sauter tes flics macs, et nous alimentons en sous-main les bruits sur l'incendie en espérant que le toute fera boule de neige. Et qu'en face, ils nous laisseront assez de temps. »

Rien de propre, chaque action n'est engagée que pour servir un intérêt, et le tout patauge dans une bouillasse nauséabonde de manipulation, de mensonges. Les seules vérités sont celles échangées sur le zinc, aux Mariniers, le bar véritable Quartier Général des policiers. Mais l'arrière salle est le lieu entre tous de tous les complots, si bien que même les moments (rares) de justice sont entachés...

Violent, acéré, sans retenu, le roman de Dominique Manotti est un coup de rasoir dans la réalité pourrie mais si présente dans cette banlieue parisienne où l'ennui ne peut être compensé que par un excès de pourriture. C'est sec, c'est précis, c'est sans fioriture : c'est un grand polar. 


Loïc Di Stefano 

Dominique Manotti, Bien connu des services de police, Gallimard, "Folio", mars 2011, 237 pages, 5,70 euros

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