Ciel de Cendres, le "Tchernobyl mon amour" de Maud Tabachnik

TCHERNOBYL MON AMOUR

Maud Tabachnik a donné beaucoup de polars, et, disons-le, que du très bon. Du très noir, saignant, poignant, toujours des situations impossibles et une prise de parole pour le compte d'humains qui n'en pouvaient plus.  Son nouveau roman ne déroge en rien quant à la qualité, mais il offre quelque chose de supplémentaire : la profondeur du souvenir et de l'Histoire qui arrive à son terme et dis « merde » au genre humain !

Trois destins sont scellés dans l'Ukraine des années 80 avec comme point de convergence la centrale nucléaire de Tchernobyl au moment de la catastrophe. Trois personnalités très différentes et qui chacune va raconter sinon son histoire du moins une facette de l'Histoire de l'Ukraine.

Il y a Charles, jeune journaliste français vite spécialisé surtout par l'incompétence de ses confrères dans l'Europe de l'Est, fils d'immigrés juifs ukrainniens qui ressent dans sa chaire et sa mémoire quasi reptilienne les progroms et les camps de concentration. Il est l'œil occidentalisé de Maud Tabachnik, son gentil démon, mais par lui c'est tout un système de vanité et d'incompétence qui est mis en lumière, toute une arrogance d'état « civilisé » qui se résume soudain en rien. 

Il y a Vladimir, fils d'un dignitaire de la police secrète qui devient petit caïd de la mafia, traffquant d'armes et de drogue, mais qui garde une manière de distance noble et de vision de la justice. Il est le témoin involontaire des monstruosité du régime en place (les souvenirs lui reviennent de son enfance, son père et ses camarades alcooliques, antisémites, criminels, abrutis par les idées du Parti…)

Il y a Yvan, sorte de gentil géant des forêts, isolé de sa fratrie congénitalement tarée qui va errer seul dans les bois mi-homme mi-légende (la police attribue à quelqu'un qui pourrait être ui les pires attrocités...), qui quitte la scirie où il aura grandi dans l'effort quotidien pour suivre son destin et s'abreuver aux sources mêmes du Mal, une simple fontaine contaminée au abords de Tchernobyl.

Ces trois destins vont se lier et se découvrir une vérité commune : rien n'est comme il devrait, et surtout rien n'est ce qu'on nous en dit. Dans ces pays traversés par la haine, les pogroms et l'antisémitisme constant, l'explosion du réacteur de Tchernobyl c'est un peu la « Solution Finale » qui se retourne contre son maître et lui joue un vialin tour. Ainsi qu'à tous les autrres, qui vopnt nier le drame, les médecins, les journalistes européens, les gouvernements…

Maud Tabachnik réusit la un très grand roman, qui commence mal par une couverture des plus malheureuses pour se finir sur un grand roman noir, aussi noir que son sujet, aussi terrible que le destin des hommes qui sont la proie facile des dignitaires de tous les régimes totalitaires. Le petit nuage dont on commémore les 20 ans cette année, et qui s'est heureusement pour nous Français brisés sur la ligne bleu des Vosges ans pouvoir traverser notre belle frontière…, fait encore des morts aujourd'hui, même si les associations se débattent encore face à un pouvoir volontiers aveugle. Tchernobyl ainsi n'est pas le signe d'une civilisation qui s'est détruite, mais le signe d'une civilisation qui sait comment se détruire, qui se détruit et qui se regarde mourir, en essayant de se mentir à elle-même. Maud Tabachnik regarde en face, et, comme toujours, c'est là quelle touche le plus.

Loïc Di Stefano 

Maud Tabachnik, Ciel de Cendres, Albin Michel, mars 2008, 19 euros

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