"Verdict", déchéance et rédemption d'un avocat

Joël Deveraux gravit les échelons dans un très prestigieux cabinet d'avocats de New-York, sa vie est toute organisée autour de ce travail, si bien que lorsqu'il est renvoyé à cause d'une sombre histoire de drogue, ce n'est pas que son emploi qu'il perd, c'est bien toute sa vie. Marqué comme infréquentable, aucun cabinet de renom ne souhaite l'embaucher au terme de sa période d'interdiction d'exercice, alors il accepte presque avec plaisir un poste d'assistant dans un bureau d'avocats commis d'office. Son univers désormais : les crimes et délits de la misère urbaine. Ses confrères : des idéalistes qui font du droit comme on va en guerre. Son plus grand désir : retrouver sa vie d'avant.

« S'il y a un fil reliant la vérité à la loi, il était bien trop ténu pour que je le décèle. L'enjeu, ce n'était pas la vérité, mais des versions contradictoires de celle-ci. C'était le scénario compris comme une forme de combat. »

Dans son nouvel emploi, joël est placé sous la responsabilité de Myra, brillante et jolie jeune femme plutôt âpre qui a l'habitude de travailler seule et consacre, elle aussi, sa vie à ses dossiers. Si tout ne commence pas par de franches amabilités, leur complicité va se nouer au fil des pages, à mesure que Joël apprend pour ainsi dire son métier d'avocat plaideur et laisse de côté ses manières d'avocat d'affaires, à mesure qu'il s'humanise. Et c'est l'affaire d'un meurtre dans Gardens, cité contrôlée par des trafiquants de drogues, qui va les réunir et faire le fil du roman : un jeune étudiant blanc est tué au pied de la cité, en compagnie d'un dealer noir. La victime c'est le noir, la victime collatérale et innocente, c'est la blanc. Du moins pour la presse et la vox populi...

Ce que ce roman judiciaire a d'assez formidable, c'est qu'au contraire de la plupart des purs romans judiciaires, il nous parle de la basse justice, celle qui traite des affaires peu honorables. Et c'est au contact de cette partie vile de la Loi que Joël Deveraux va retrouver la part d'humanité qui manquait jusque là à sa vie, au point qu'il pourra enfin dire son histoire, se dire, et en s'ouvrant se libérant. Verdict est à la fois le récit de la résolution d'une affaire, mais aussi — surtout peut-être — le roman d'apprentissage d'un avocat lâché dans un monde très violent et qui va le faire renaître.

« — Je croyais t'avoir entendue dire qu'on ne gagnerait pas en étayant notre dossier mais en démolissant le leur. / — C'est vrai, en règle générale. Mais je crains que l'ensemble des preuves ne pèse au total plus lourd que la somme des témoignages. »

Si le titre français place Verdict dans la ligné des purs romans judiciaires, et il en est un de très haute tenue, le titre original, A Cure for night (un remède à la nuit) laisse aussi la place à une profondeur supplémentaire, celle de la renaissance d'un homme déchu par la faute originelle, celle qui ouvre le roman : à la fois l'ubris (pêché d'orgueil) et la drogue. Tout ce monde d'avant la prise de conscience par Joël Deveraux que la vie réelle n'était pas celle où il la rêvait, ses bars branchés, ses notes de frais astronomiques, mais dans le contact humain, la recherche de la vérité, les enquêtes de terrains, la confrontation d'avec les parties opposées et, peut-être, les désillusions de combats vains mais sincères.

Plongée dans les manières et les affres du Droit, Verdict est un grand roman judiciaire, mais, on l'aura compris, est un grand roman d'apprentissage. 


Loïc Di Stefano


Justin Peacock, Verdict, Traduit de l'anglais (USA) par Johan-Frédérik Hel Gued
, Sonatines, novembre 2010, 369 pages

22 €

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