En état de choc à la lecture du "Trauma" de Patrick McGrath

La place de la psyché est encore mal reconnue dans notre vieille Europe, pourtant berceau des sciences cognitives et de la psychanalyse mais ce fut la société anglo-saxonne, et plus particulièrement américaine, qui lui conféra ses lettres de noblesse et son juste positionnement. Ainsi, les meilleurs romans traitant du sujet nous parviennent presque exclusivement d’outre-Atlantique. Une nouvelle preuve avec ce petit chef-d’œuvre qui devrait permettre aux lecteurs français de mieux reconnaître en Patrick McGrath, pourtant écrivain anglais (américain seulement depuis 2003) un citoyen des Lettres à considérer comme l’égal de Don De Lillo, l’autre grand romancier américain de l’introspection... 
Fils d’un directeur médical d’un hôpital psychiatrique, le jeune Patrick passa son enfance près du bâtiment où travaillait son père ; voire côtoya certains de ses pensionnaires. Une plongée dans l’inter-monde qui lui apprit certainement à concevoir les choses autrement...

Après six romans, dont le fameux Spider qui fut adapté en 2002 par David Cronenberg, ce qui en dit long sur la complexité de la construction romanesque, le septième opus est si envoûtant qu’on se demande toujours où se situe la part du vrai du faux. Toute histoire ayant son fond de vérité, la lente descente aux enfers de Charlie Weir, psychiatre new-yorkais spécialisé dans le traitement des chocs post-traumatiques liés à la guerre, est si bien relatée, décrite, transposée que l’on vit cette douleur avec lui comme s’il nous la racontait un soir de longue nuit au coin du feu, s’épanchant sur ce qu’il croit être sa vie ratée, ses échecs, professionnel et privé, sa femme et sa fille quittées pour une mauvaise raison... 
Il faudra l’irruption de Nora pour que ce nouvel épisode douloureux dans sa vie affective lui permette d’oser remonter à la source. Ce trauma qui, lui aussi, lui coûte et qu’il ne parvient pas à réveiller pour pouvoir l’affronter une dernière fois et en faire son deuil...
Le déchirement de l’âme réveille parfois des jardins secrets, illumine des horizons inespérés, qu’une nouvelle exploration à la lumière de l’ultime vérité permet de façonner l’homme nouveau qui peut, enfin, se libérer de ses chaînes qui le maintenaient tapis au fond d’un océan d’angoisse. Mais ce chemin à rebours nécessite une aide. Et quand on est soi-même thérapeute, il n’est pas toujours facile de l’admettre...


Brillamment écrit dans un style limpide qui ne rechigne pas à décrire et interpréter, ce roman noir se lit comme un conte car sous le charbon luit l’éclair de génie de l’auteur qui nous conduit, paisiblement mais certainement, vers une fin heureuse que l’on devine difficile. Evitant d’échouer sur la chute, épreuve toujours déterminante dans ce genre d’exercice, Patrick McGrath nous donne une leçon d’humanité et un cours magistral d’écriture. Deux bonnes raisons pour ne pas passer à côté de ce livre-là !

François Xavier

 

Patrick McGrath, Trauma, traduit de l’américain par Jocelyn Dupont, Actes Sud, coll. "Lettres anglo-américaines", avril 2011, 238 p. - 21,00 €

 

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