Après Une mite sous la semelle du Titien chez le même éditeur, Lambert Schlechter propose le 9ème volume du cycle qui a pour titre générique Le Murmure du monde et qui parfois tourne au vacarme, aux fantasmes et aux fantaisies sexuelles en d'inévitables bifurcations où certaines hordes deviennent fantasques.

Le poème en prose s'enrichit chez lui au fil de temps d'un verbe de plus en plus fleuri un rien mais volontairement baroque pour permettre d'entrer dans divers type de sensations et de jouissances. Elles furent d'abord le fait de Dieu puis de la femme. Mais désormais ce sont d'autres mains qui font jouir le texte par la petite mort qu’elles accordent face à la grande que l’auteur prend soin de retarder.

Il y a des bien des corps à secouer. Mais bien des bémols  émis rappellent ce que Lacan eut le soin de souligner : Je te demande de refuser ce que je t'offre parce que ce n'est pas ça. Néanmoins et  après tout qu'importe. Du moins si ça fait du bien par où sa passe. Dès lors certaines rencontres ne sont pas à retarder d’autant que l’auteur n’est pas forcément attendu au paradis. Et qu'il n'aille plus à Feodossia n'y change rien.
Ces "chroniques" le prouvent.

Le nouveau texte est donc l’histoire de nouvelles folies, divagations et dérives en fragments poétiques. L'auteur continue à chercher à travers sa culture une énergie en des remises en scènes et des réinterprétions du réel en vue de défendre et illustrer ses obsessions. Il fait jouer le présent et le passé, le réel et le virtuel dans une thématique de la présence la plus proche ou la plus éloignée au moment où la poésie devient, comme la vie un voyage, mais aussi un instrument d'extraction de divers flux et infusions. Et ce dans les circuits reliant l'action et l’écriture (qui en est une autre forme) en une suite de dédoublements spéculaires.

Jean-Paul Gavard-Perret

Lambert Schlechter, Je n'irai plus jamais à Feodossia, coll. Tindbad Poésie, éditions Tinnbad, novembre, 2019, 230 p., 22,50 euros