Cyril Huot : Barthes dans ses petits souliers
Pour réviser certaines idées préconçues – principalement sur Barthes véritable objet du livre – Huot emploie une forme de pensée allègre et efficace. Nul pesanteur spéculative pour mettre à mal la superbe du pâtre de la montagne Sainte Geneviève.
Homme de droite après avoir cousiné avec le communisme qui lui donna ses premières lettres de noblesse (il fut critique de théâtre dans la revue marxiste de Bernard Dort) puis le maoïsme tel-quellien, il sut se mettre habilement sur la touche en se voulant le moins politique des penseurs de la French Theory.
Le maître adulé de l'intelligentzia des années 60-70 est remis en question de manière astucieuse. Par divers coups de clé Facom littéraire, Huot déboulonne partiellement mais efficacement la statue du commandeur au milieu d'autres considérations mais qui ramènent au sujet - histoire de noyer le poisson tout en le laissant frétiller partiellement dans sa légende.
De Pasolini il est peu question. Il n'est - lui aussi - qu'une manière de revenir à Barthes et ses contradictions inhérentes à la fin de sa vie mais pas seulement et pour mesurer l'écart qu'il existe entre les deux.
Le choix de la forme de l'essai est habile. Elle évite les blablas interminables et spéculatifs au profit de flèches qui, d'une cible à d'autres, remettent en cause certaines propensions de Barthes.
Le maître apparaît à bien des égards comme immature et avide de charmer. Et Huot de rappeler certaines de ses analyses un peu hâtives. Sur, entre autres, le cinéma comme sur la valeur du haiku mise en exergue face à l'impossibilité pour Barthes de réaliser son grand rêve : celui de devenir romancier.
La démarche intellectuelle est donc révisée à la baisse même si Barthes devint une star, à l'égal - note perfidement Huot – de Johnny Hallyday... Si bien que l'intellectuel de garde et de gloire est mis face à ses contradictions et ce dès les années '50 où Beckett est descendu - pour des raisons idéologiques habilement masquées – au rang de petit auteur boulevardier.
Se voulant toujours plus en situation que situationniste, Barthes reste un écrivain de cour germanopratin dont les cours ravirent les gogos parfois à raison. Mais pas toujours. Et celui qui se consacra lui-même "à l'arrière garde de l'avant garde", le fit dans l'espoir de se retrouver sur une ligne de front. Elle ne fut qu'une ligne d'horizon. De celle qui recule à mesure qu'elle semble proche.
Jean-Paul Gavard-Perret
Cyril Huot, Sans transition – De Roland Barthes à Pasolini, Tinbad, avril 2021, 156 p., 18 euros
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