"East of West, tome 1"

Il y a deux siècles, dans un monde différent du nôtre. La chute d'une comète a mis fin à la Guerre de Sécession et les États-Unis sont devenus les "Sept Nations d'Amérique". Le Conseil, composé d'un représentant de chaque Nation, est unis par Le Message, une prophétie qui annonce la fin du monde et guide les choix des conseillers. Mais chaque Nation fomente en secret ses complots et ses trahisons.

2064. Seuls trois Cavaliers de l'Apocalypse apparaissent sur Terre ; le Quatrième Cavalier, Mort, a déjà entamé sa quête vengeresse et sème la mort sur son passage, accompagné de deux mystérieux indiens…


Depuis quelques années, Jonathan Hickman s'est vu confier le rôle de principal architecte de l'univers Marvel. Ce mois-ci, avec Secret Wars, il organise carrément son anéantissement… avant de le reconstruire (qu'on se rassure). Mais au fil du temps Hickman s'est aussi aliéné une partie des lecteurs, à cause de ses scénarios trop alambiqués, assez éloignés des canons habituels de Marvel. L'homme cultive les intrigues longues, occultes, et mystérieuses. Aussi quand j'ai appris qu'il travaillait sur un projet personnel pour Image Comics (un creator owned comme on dit dans le jargon), je craignais que l'auteur lâche les chevaux, et que ces défauts ne soient amplifiés.


Fort heureusement, c'est tout l'inverse qui s'est produit. Soit Hickman apporte vraiment plus attention à son écriture sur East of West, soit le fait qu'il manipule des personnages de sa création, des personnages qui sont donc, pour nous lecteurs, tout neufs, aide à faire passer certains tics d'écriture. La marque de fabrique d'Hickman est toujours là, elle transpire à chaque épisode, mais cela me gêne beaucoup moins que sur Avengers, par exemple.


Évidemment, il ne faut pas lui demander l'impossible. Avant d'ouvrir East of West, autant que être prévenus : l'histoire est dense, et on est paumé dès les premières pages. Vous connaissez cette sensation quand on arrive au cinéma vingt minutes après le début de la séance d'être complètement perdu, de ne pas savoir qui est qui, etc. Ici c'est la même chose, un peu comme si l'auteur avait volontairement sauté l'introduction. Il faut donc se faire un peu violence. Et l'effort finit par payer, rapidement ce qui semblait nébuleux quelques pages avant prend sens, Hickman distille habilement les clés nécessaires à la compréhension. Du moins juste ce qu'il faut pour qu'on ait envie de poursuivre. À la fin de ce premier tome il reste bon nombre de questions en suspens, mais rien de rédhibitoire, au contraire.


L'apocalypse est un thème récurrent dans l’œuvre d'Hickman. Et on retrouve encore une fois cette notion au centre d'East of West. L'apparition des Quatre Cavaliers n'est qu'un prémisse à une suite d’événements qui vont probablement mener l'univers à sa fin. Même si le chronomètre n'est pas enclenché (comprenez : Hickman prend son temps), on sent bien que rapidement les choses sérieuses vont se précipiter. Il y a des Nations qu'Hickman n'a fait qu'effleurer ou évoquer, par exemple. Et là aussi, on sent qu'il nous réserve quelques surprises. On comprend bien une fois terminé que ce premier tome consistait à mettre en place les pions sur l'échiquier et que la partie va bientôt commencer.


En parlant de pions, on se rend compte que Hickman avance vraiment à pas feutrés. Certains personnages d'importance apparaissent tardivement dans l'histoire et certains personnages qu'on pouvait croire de prime abord sans intérêt se révèlent en quelques lignes de dialogues primordiaux. Et enfin, certains personnages ne sont qu'esquissés.


L'univers d'East of West est très particulier, dans la mesure où il brasse plusieurs ambiances. Le dessinateur Nick Dragotta doit donc s'employer à faire vivre et coexister graphiquement des atmosphères très différentes, tout en maintenant une cohérence globale. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, pour le moment, le contrat est rempli. Que ce soit une ambiance Far West avec saloon perdu au bout du monde, la version haute-technologie d'une dictature chinoise, ou de grandes mégalopoles futuristes, Dragotta fait vivre visuellement le scénario et Hickman peut se reposer sur son comparse. Ses planches sont lumineuses, là où pas mal d'artistes se seraient contentés de noyer les cases dans l'obscurité, et vu l'ambiance "fin du monde qui approche", on aurait pas pu lui en vouloir s'il avait fait ce choix. Mais non, le trait est clair, ses personnages élégants et racés.


Reste maintenant à voir comment va évoluer l'écriture de Jonathan Hickman et si son univers sera suffisamment attractif sur la durée. Sur ce qu'il montre ici, il y a de quoi faire, à condition que l'auteur ne se perde pas en intrigues biscornues en cours de route. Ce serait dommage, avec une telle richesse scénaristique (SF, western, apocalypse, romance, et j'en oublie) et un dessinateur si appliqué, East of West a un beau potentiel.



Stéphane Le Troëdec




Jonathan Hickman (scénario), Nick Dragotta (dessins)

East of West, tome 1 – La Promesse

Cet album compile les épisodes 1 à 5 de la série East of West publiée aux USA par Image Comics.

Édité en France par Urban Comics (21 février 2014)

Collection Urban Indies

152 pages

15,00 euros



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