Warren Ellis présente Hellblazer

Quand il apprend qu'une ancienne petite amie a été sauvagement assassinée, John Constantine décide de retrouver le coupable. Son enquête va l'amener dans les milieux occultes de Londres sur les traces d'un sorcier pervers qui se prend pour le nouveau Aleister Crowley…


Après les épisodes de Garth Ennis, Urban Comics choisit de sauter les aventures écrites par Paul Jenkins et nous propose le travail de Warren Ellis. En fait, cela ne pose pas vraiment de problème de compréhension, et si vous n'avez jamais lu « Hellblazer », rien ne vous empêche de commencer par celui-ci. Ce serait même une très bonne idée…


À première vue, les Constantine de Garth Ennis et de Warren Ellis sont à peu près similaires. Un magicien arnaqueur beau gosse, le genre ordure au cœur tendre, salopard attachant. Mais à bien y regarder, on découvre des différences. L'écriture de Garth Ennis était parfois si grotesque, si absurde, qu'elle dédramatisait souvent les moments d'effroi : beaucoup d'injures, beaucoup de sang. Le « trop » finit par mettre le lecteur à distance. Chez Ellis, c'est plus subtil : il en écrit juste ce qu'il faut : ses descriptions sont au cordeau.

Et puis un Ellis peut en cacher un autre.

Amateur de littérature fantastique et d'épouvante, quand j'étais plus jeune, j'ai longtemps pensé qu'avec le temps plus rien ne pouvait me choquer, me mettre mal à l'aise. Jusqu'au jour où, en lisant « American Psycho » de Bret Easton Ellis, je refermais les pages parce que les descriptions de l'auteur m'avaient réellement dégoûté. Qu'est-ce qui avait pu me marquer à ce point ? Un rat qui dévore les entrailles d'une victime consciente. Décrit dans le détail. Fait du hasard, on retrouve cette idée délicieusement atroce dans l'épisode « Le Berceau » présenté dans cet album. Et comme Warren Ellis fait preuve d'une précision quasi-clinique dans ses descriptions, j'ai donc immédiatement pensé à cet autre Ellis à la lecture de cet album.


Pour en revenir à l'autre comparaison, entre Garth Ennis et Warren Ellis, le premier injectait un peu de bonne humeur via l'amitié et l'amour. Deux éléments absents de l'écriture de Warren Ellis, qui privilégie l'approche sérieuse et noire. L'album commence par une grosse aventure en six épisodes (« Hanté »), et se termine sur une poignée de petits récits complets, magnifiquement bien troussés. Et puis enfin l'ultime épisode de l'auteur sur le titre, « Shoot ». Ultime ? Oui, car ce bel épisode a été censuré à l'époque par DC Comics, jugeant l'épisode trop polémique au moment du massacre de Colombine. « Shoot » raconte pourquoi des enfants se tirent dessus dans les écoles américaines et sa conclusion est terrible. Il sera tout de même publié bien des années plus tard.


Dur, sordide, sérieux : le John Constantine qu'on suit dans cet album change un peu du Constantine qu'on a connu dans les deux albums publiés il y a peu par Urban Comics. Ce qu'on perd en convivialité, on le gagne en noirceur. Warren Ellis écrit de magnifiques histoires, si bien qu'on ne peut que regretter qu'il ne soit pas resté plus longtemps sur le titre. Attention, c'est un album à ne pas mettre entre toutes les mains tant certains passages sont durs. Heureusement les dessins ne tombent jamais dans le sordide, et évite de surenchérir, en plus d'être magnifiques. Reste que c'est une lecture indispensable pour tout amateur de Vertigo et des comics indé : à mon avis, Warren Ellis tient en une dizaine d'épisode la quintessence du personnage.



Stéphane Le Troëdec




Warren Ellis (scénario), collectif (dessins)

Warren Ellis présente Hellblazer

Édité en France par Urban Comics (16 octobre 2015)

Collection Vertigo Signatures

272 pages couleurs, papier mat, couverture cartonnée

22,50 euros

EAN : 9782365776936

1 commentaire

rien à voir mais comme tu mentionnes easton-ellis en comm; j'avais été bluffé a l'epoque par "less than zero" et sa description froide et sans fioritures  des errances des heros du  roman.