Sandman, les couvertures par Dave McKean

Il existe une expression anglaise qui dit : « Don’t judge a book by its cover » (« Ne jugez pas un livre à sa couverture »). Depuis longtemps, les comic-books mettent à mal cet adage, puisqu’il arrive que le dessinateur de la couverture ne soit pas l’artiste en charge des dessins intérieurs. Cette pratique est devenue si courante au point que certains dessinateurs sont même devenus cover artists. Je pense notamment à Adam Hughes, J. Scott Campbell ou Glenn Fabry. Et puis il y a donc Dave McKean qui nous intéresse tout particulièrement avec la sortie de ce somptueux recueil.

 

Difficile de cataloguer Dave McKean. Car l’artiste anglais n’aime visiblement pas se limiter à un domaine artistique et cumule les talents : illustrateur, photographe, dessinateur de livres pour enfants (avec Neil Gaiman, le papa de Sandman, tiens donc), designer (notamment sur certains films de la saga Harry Potter, ou sur des pochettes de CD d’Alice Cooper, Tori Amos ou Paradise Lost), pianiste de jazz ou réalisateur (le film d’animation MirrorMask)…

 

En 1987, sa carrière dans les comic-books démarre après sa rencontre avec Neil Gaiman. Tous deux réalisent un superbe récit intitulé Violent Cases, mélangeant fiction et souvenirs d’enfance. Déjà, le style de McKean ne peut qu’éclater : entièrement peint en ton de bleus, de bruns et de gris, Violent Cases dégage un parfum inédit et talentueux. En 1989, on retrouve Dave McKean chez DC Comics pour illustrer un graphic novel, Arkham Asylum, avec cette fois-ci au scénario l’étoile montante Grant Morrison au scénario. Avec ce récit entièrement concentré sur la lutte physique et psychologique entre Batman et le Joker, on tient une des œuvres essentielles de l’époque liées à Batman.

 

Entre 1989 et 1997, Dave McKean et Neil Gaiman se retrouvent pour travailler sur Sandman. Rarement un cover artist aura à ce point été associé à une œuvre. McKean livre un nombre incroyable d’illustrations pour orner les couvertures de la série régulière, des recueils ou bien de certaines séries dérivées (Death, Sandman Mystery Theatre). Une puissance graphique qui en impose. Pour les lecteurs n’ayant PAS lu Sandman, les visuels de Dave McKean évoquent un style si intriguant et puissant, que la patte graphique devient celle de la série Sandman

 

Dave McKean ne travaille pas seulement un style graphique, il travaille la matière. À travers ses travaux sur Sandman, mais aussi sur d’autres projets comme le noir et blanc affolant de Cages ou l’étrange érotisme de Celluloid, le talent de Dave McKean consiste à développer de nouvelles manières d’utiliser les textures dans ses illustrations. La matière n’est pas chez lui un artifice, une marque de fabrique, une signature ; elle sert à immerger le lecteur dans un univers sombre et onirique. Car les images de Dave McKean enchantent comme elles peuvent déranger. Quelles que soient les formes (peinture, collages, distorsion, sculptures, le choix de polices d’écriture, etc.), il y a toujours dans son travail comme un mystère qui plane et attend d’être résolu par le lecteur, comme un défi artistique. Ses couvertures sur Sandman ont beau être travaillées et remplies d’informations a priori occultes, Dave McKean ne ferme jamais les portes, bien au contraire, il invite le public à entrer dans une autre réalité si étrange qui, tel un rêve prégnant, n’est pas près de vous lâcher.

 

Servi dans un écrin magnifique (bel album grand format, beau papier, et maquette sublime), ce recueil viendra judicieusement compléter l’intégrale en 7 tomes des épisodes de Sandman publiés par Urban Comics, sans oublier la réédition de Violent Cases. Un bonheur.

 

 

Stéphane Le Troëdec

 

 

 

Dave McKean

Sandman, les couvertures par Dave McKean

Édité en France par Urban Comics (18 novembre 2016)

Collection Urban Books

39,00 €

432 pages couleurs, papier glacé, couverture cartonnée

EAN : 9791026810070

Aucun commentaire pour ce contenu.