Valérie Gans : Le regard intérieur


C'est une histoire de femme. Moderne, indépendante et battante. Une histoire de vérité, aussi. Pas toujours bonne à dire. De secret qui hante le passé et vient rôder sur le présent… Une histoire de regard intérieur enfin, qui s’aiguise au fil des pages de ce beau roman, plein de sensibilité, bien construit et en écho avec l’époque.

 

— Valérie Gans, parlez-nous de Lorraine, votre héroïne, citadine quarantenaire, indépendante, est-ce que cette femme vous ressemble ?

Toutes les femmes du livre me ressemblent, il y a un peu de moi en chacune et un peu de chacune en moi… mais en effet, Lorraine, divorcée, la quarantaine, qui élève seule ses enfants, me ressemble peut-être un peu plus que les autres !

 

— Au mitan de sa vie, elle ressent le besoin de creuser une histoire familiale complexe pour lever un à un les voiles qui l’encombrent, n’est-ce pas ?

Bizarrement, la décision ne vient pas d’elle : ce sont les évènements auxquels elle se trouve confrontée qui l’amènent à creuser l’histoire de sa famille, presque malgré elle. Et une fois les questions posées, il lui est difficile de les ignorer : fervente adepte de la vérité, Lorraine a un besoin quasi viscéral de savoir ce qui se cache derrière chaque voile. 

 

— Croyez-vous que les secrets familiaux se transmettent de génération en génération au point de venir peser sur notre présent, et parfois même l’empoisonner ?

J’en suis persuadée ! Je crois que nous portons en nous l’histoire de notre famille, et que, parfois sans même en avoir conscience, nous reproduisons de génération en génération un même schéma. Le phénomène porte d’ailleurs le nom très évocateur de « constellations familiales ». Maintenant, la question est la suivante : doit-on s’en débarrasser, ou apprendre à vivre avec ? L’essentiel à mon sens est avant tout de les identifier…

 

— Lorraine est aussi une femme qui souhaiterait renouer avec l’amour après un divorce. Or, elle peine à le trouver. L’échec ne la rend-elle pas trop exigeante ?

Voilà la question que nous nous posons toutes lorsqu’il s’agit, comme on dit, de « refaire sa vie ». Chat échaudé craint l’eau froide, et il est des expériences que nous ne referions pour rien au monde. Je ne dirais pas que Lorraine est « trop » exigeante : je dirais plutôt qu’elle n’a pas les mêmes exigences. A vingt ans, une femme cherche un père pour ses futurs enfants, à quarante c’est plus un compagnon de vie…

 

— Les hommes, dans votre roman, ne tiennent pas forcément le beau rôle… Est-ce que je me trompe ?

Les hommes sont des hommes, il faut les aimer comme ils sont…

 

— Finalement, je ne sais pas si Lorraine rencontrera l’amour mais à la fin du roman, elle finira par se trouver elle-même, ce qui paraît bien plus essentiel. Qu’en pensez-vous ?

Oui, bien sûr, la première personne qu’elle rencontre, c’est elle-même. Et c’est sans doute là le meilleur moyen de rencontrer l’amour : être soi et offrir à l’autre son vrai visage, sans fard et totalement assumé.

 

— Peut-être qu’elle gagne une forme de liberté en s’affranchissant des mensonges et des non-dits ?

Elle, oui. Mais n’est-il pas des vérités qu’il vaut mieux ne jamais dévoiler ?

 

Propos recueillis par Cécilia Dutter (mars 2013)

© Photo : Delphine Jouhandeau


Valérie Gans, Le bruit des silences, Lattès, mars 2013, 346 pages, 16 €

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