Shyamalan : le conteur fantastique

Jusqu’à présent, la carrière cinématographique de M. Night Shyamalan ressemble à une rapide descente aux enfers. Ou, au moins, vers la médiocrité, pour ne pas dire pire. Il a frappé très fort avec Le 6e sens, réussite parfaite tant sur le plan de la construction que du succès international. Puis, comme s’il tentait de photocopier son premier scénario, il en a fait des clones. De plus en plus flous, de moins en moins convaincants. La photocopieuse étant tombée en panne, il a ramassé dans une ruelle des scénarios indignes de lui pour en faire des œuvres dénuées du moindre intérêt. En être réduit à filmer le fils de Will Smith ne me parait pas d’un intérêt majeur.

Difficile de préjuger ce que deviendra ce cinéaste d’origine indienne. A l’heure actuelle, son nom s’ajoute à la longue liste des « petits génies » qui ont sombré soit dans l’oubli soit dans le n’importe quoi. Liste qui comporte, entre beaucoup d’autres, les patronymes de Renny Harlin, Russell Mulcahy, John McTiernan… qui n’ont pas su, ou pas pu, profiter de leurs formidables lancées.

Il y aurait d’ailleurs un livre à écrire là-dessus. Sur les rapports entre les plus ou moins vrais surdoués de la pellicule et l’incroyable machine à broyer hollywoodienne. Cela aurait pu être le sujet de ces Contes de l’au-delà. Tel n’est pas le cas. La question est abordée dans l’introduction mais trop rapidement survolé. Pourquoi, comment Shyamalan a-t-il pu se fourvoyer à ce point ? Grosse tête ou mauvais conseils ?...

Non, le but de cet ouvrage est autre : analyser les films de l’homme de la nuit (M. Night). Louable et nécessaire ambition. Pour ce faire, on a fait appel à des pointures, des dorés sur tranche. Pour en convaincre le lecteur, on étale les références de ces messieurs dames, on brandit les diplômes. Un diplômé en psychologie côtoie un diplômé en philosophie (quels diplômes ?), un docteur en cinéma voisine avec un journaliste culturel indépendant (pas très chic, ça). Tout ça pour nous prouver que l’analyse sera sérieuse.

Elle l’est. Sans doute un peu trop d’ailleurs. Pas une brise d’humour, pas la moindre ligne pour souffler un peu. Car le reste est dense, précis. Tout est analysé passé au crible. De l’univers du cinéaste en général jusqu’à certaines séquences en particulier. On y relève même les influences de Shyamalan (qui comptent notamment Miyazaki, Nakata et Ozu !). Impressionnant. Il est conseillé de revoir toute la filmographie du maître avant de se lancer dans un tel livre.

J’ai beau faire la fine bouche, je n’en concède pas moins l’utilité de ce genre d’ouvrage. Pour mieux comprendre. Parce qu’un réalisateur comme Shyamalan trimballe son propre univers, même quand il en est réduit à faire le béni oui-oui. Or, les gens de cinéma qui ont quelque chose à dire sont de moins en moins nombreux. Autant protéger ceux qui restent, comme on protège une race en voie d’extinction.

Néanmoins, je regrette que cet ouvrage ne soit pas suivi par une filmographie complète et détaillée qui permettrait de mieux suivre les raisonnements et de raviver une mémoire défaillante. Mais, au moins, il donne envie de revoir avec un autre œil Le 6e sens, ce qui est déjà beaucoup.


Philippe Durant


CONTES DE L’AU-DELA, le cinéma de M. Night Shyamalan

Sous la direction de Hugues Derolez

Vendémiaire, 155 pages, février 2015, 20 eur

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