Dictionnaire du Western

Les grands espaces menacés


L’idée est excellente, remarquable audacieuse : un dictionnaire du western. Un vrai, pas un opuscule pour débutants. Presque 350 pages avec des centaines d’entrées concernant les thèmes, les grands films, des réalisateurs, des acteurs, l’histoire de l’Ouest, etc. Une idée qui sent le souffle des grands espaces, qui donne envie d’enfourcher son cheval.

Mais…

Car hélas, il y a un « mais ». De taille. Les auteurs de ce dictionnaire, messieurs Aziza et Tixier sont des universitaires. Or, pour parodier qui vous savez, « c’est curieux cette manie qu’ont les universitaires de faire des phrases ». Car des phrases ils en font. Alambiquées, torsadées, compliquées à souhait. Oubliant le principe de base qui veut qu’il est extrêmement simple de faire des phrases complexes (il suffit de posséder un minimum de vocabulaire) et autrement plus complexe de faire des phrases simples (il faut du talent).

A force d’analyser, de disséquer les films, de traquer la petites bêtes, ces auteurs passent à côté d’une dimension fondamentale du cinéma en général et du western en particulier : le plaisir. Ils ont tort de croire que chaque réalisateur a pensé son film sous un angle freudien ou cherché à faire passer un message. Quand on lance des cow-boys à la rencontre des Indiens on n’a, le plus souvent, qu’une idée en tête : du spectacle !

Bien entendu, les références à l’inévitable mais boursouflé André Bazin sont là pour étayer le propos, pour prouver qu’on patauge dans le sérieux, pas dans la gaudriole.

Place, donc, à l’analyse. Fi des anecdotes, des regards derrière la caméra, des explications cinéphiliques. Ainsi, par exemple, quand il est écrit que Major Dundee de Sam Peckinpah fut « massacra au montage » on aimerait en savoir plus. Par qui ? Pour quoi ? Quelles séquences furent-elles sacrifiées ? Ces questions n’intéressent pas les auteurs du dico. Trop veules, sans doute.

Certains articles, parce que trop courts (sur les acteurs, notamment), ne présentent aucun intérêt. D’autres, parce que trop longs vont de digression en digression et entraînent le lecteur loin des prairies de l’Ouest. Parfois, la construction est bizarroïde. La fiche sur Les 7 mercenaires prend les allures d’une revue de détail des parcours des principaux comédiens, quitte à en délaisser le film lui-même (heureusement qu’il ne s’agissait pas des 12 salopards !)

Personnellement, ce qui m’étonne (et me chagrine) le plus sont les fiches sur des œuvres qui ne sont en rien des westerns, même si les auteurs tentent d’établir un lien factice : American Sniper, Un homme est passé, Into the Wild… Même L’Homme tranquille (pourtant chef d’œuvre absolu) n’a pas sa place ici (j’en profite pour conseiller aux auteurs de regarder le documentaire Inisfree de Jose-Luis Guérin). Et Titanic fait cerise sur la mélasse. Quitte à détacher un film de James Cameron qui a tous les attributs du western, mieux vaut s’attaquer à Avatar !

Ailleurs, grâce à la fiche « Haut les mains peau de lapin ! » (sic) le lecteur constatera que les universitaires sont dotés d’un sens de l’humour désopilant.

D’autre part, j’ai relevé quelques erreurs dont la plus inquiétante est celle qui affirme que Quentin Tarantino a réalisé le dernier The Lone Ranger. C’est Gore Verbinski qui va être content. Des manquements aussi : pourquoi ne pas parler du film avec Jean Dujardin quand il est question de Lucky Luke ? Et pourquoi aucune fiche sur Sergio Leone (crime de lèse-majesté à mes yeux) ?

Tout ceci établi, je ne voudrais pas que l’on croit que ce dictionnaire du western soit à jeter aux oubliettes. Il contient des informations originales qui raviront les amateurs du genre et des analyses (plus ou moins) pertinentes qui raviront d’autres amateurs d’un autre genre. Surtout, j’aime trop le western pour ne pas me ravir quand une publication française traite du sujet (ces derniers mois nous avons été gâtés !)

Ce copieux livre est un sacré boulot qui va loin car ne se contentant pas de s’aventurer dans l’histoire du western mais aussi dans celle des Etats-Unis. Pas le genre de travail que l’on bâcle en trois coups de cuillères à pot (de lapin). Je tire mon Stetson à Claude Aziza et Jean-Marie Tixier, tout en regrettant qu’ils ont trop souvent loupé leur cible. Les stylos ne sont pas des six-coups, les couloirs des universités n’ont rien à voir avec Monument Valley. « Print the Legend ! » Remember L’homme qui tua Liberty Valance que vous connaissez sûrement par cœur…


Philippe Durant 


Claude Aziza et Jean-Marie Tixier, Dictionnaire du Western, Vendémiaire, mai 2015, 348 pages, 26€

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