La face cachée de Mickey Mouse

Disons-le d’entrée, le titre est volontairement trompeur (et un peu mensonger). Ce brave Mickey n’a pas vraiment de face cachée (ou alors bien cachée), quoi qu’il serait amusant de passer au crible ses attitudes pour savoir si elles ne cachent pas, effectivement, quelque chose, selon le vieil adage "trop poli pour être honnête".


Bref, il s’agit bel et bien d’un portrait de la souris la plus célèbre du monde. Souris qui s’est d’ailleurs rapidement humanisé pour faire oublier ses origines, comme le souligne parfaitement Clément Safra.


Ce portrait se construit sur les "classiques" Disney, c’est-à-dire les courts métrages mettant en scène Mickey conçus pour le cinéma. Donc de 1928 à 1953. Une longue période avec, finalement, relativement peu de films (une soixantaine). Il faut dire qu’entre temps Mickey était devenu une icône qui se déclinait plus en jouets, produits dérivés et bandes dessinées qu’en dessins animés. Il ne participa d’ailleurs que, brièvement, à un long métrage : Fantasia.


Au fil de ces années, Mickey s’est façonné. D’abord influencé par les héros de fiction joués par Charles Chaplin, Douglas Fairbanks et quelques autres, il a, petit à petit trouvé, son autonomie. Et forgé son caractère. Le Mickey râleur du début s’est assagi, laissant les colères à son plus ou moins copain Donald (aucune allusion à la politique américaine actuelle).


Toute cette mutation, l’auteur la montre très bien. À l’aide d’exemples précis et d’illustrations bien choisies. On comprend mieux la personnalité de cette souris et pourquoi elle a réussi à s’imposer. Disney était très exigeant et a vite oublié l’aspect animalier de son personnage pour en faire d’abord un "garçon" de l’Amérique puis un héros exemplaire. Ainsi que l’explique Safra, le fait que Mickey n’ait participé à aucun film de propagande durant la Seconde Guerre Mondiale n’est pas anodin. Il restait la bonne conscience des États-Unis, préférant défendre ses valeurs au pays plutôt que sur un champ de bataille.


Ce petit livre (par son format) est complet, faisant le tour du sujet avec clairvoyance. Je reprocherai seulement à l’auteur de se réfugier trop souvent derrière des "études" faites par d’autres et de citer trop abondamment Serguei Eisenstein, certes grand cinéaste et grand amateur de Mickey mais aux propos un peu lourds.


Cette Face cachée permet donc de remonter aux origines du mythe d’une souris qui, à l’instar d’une certaine grenouille, a réussi à se faire plus grosse que le bœuf.



Philippe Durant


Clément Safra, La face cachée de Mickey Mouse, Vendémiaire, novembre 2016, 191 pages, 25 eur

Aucun commentaire pour ce contenu.