Véronique Bizot nous entraîne à la rencontre d’une bande
d’amis partis s’isoler sur une île méditerranéenne pour que été rime
outrancièrement avec touffeur et farniente, une manière bien à eux de rejeter
les soucis parisiens dans les limbes de souvenirs persistants mais désormais
tenus à distance, survie oblige. Quand l’esprit se borne à commander le corps
pour aller du lit à la plage, de la plage au dîner bien arrosé puis retour au
lit, le quotidien semble alors reposant… Mais c’est sans prendre en compte
l’aléa, qui survient toujours quand on ne s’y attend pas, et qui peut prendre
l’allure d’une sœur ou d’un ami oublié, de passage, qui se contentera du
canapé, mais qui n’en perdra pas pour autant une miette. Scrutateur des plaies
corporelles et psychiques, celles qui sentent et d’autres que l’on ressent, il
importera un souffle décapant sur ce qui aurait dû n’être que des semaines de
repos…
Valentine Goby revient sur son enfance à Grasse, entre L’Air du Temps que porte sa mère et les
baumes contradictoires que véhiculent son père, qu’il rentre de l’usine à
parfums où il a baigné dans les essences pures, de voyage d’affaire, qu’il
sorte de la cuisine ou de la salle de bains : son quotidien est
tourbillons de senteurs. Sauf qu’il y a excès, ce père porteur d’essences
diverses et variées s’impose dans l’invisibilité de son odeur qui le précède,
jusqu’à terroriser la petite fille qui ne parvient pas à s’extraire des
fragrances imposées. Sans parler de ses allergies saisonnières. Alors, pour se
sentir elle-même, elle ira chercher son odeur, son parfum qui sera l’exhausteur
de son corps, de son essence primaire, première, et malgré les conseils de la
vendeuse, elle délaissera Chloé, trop
léger malgré son jeune âge, pour Paris
dont quelques gouttes seulement derrière l’oreille ouvriront alors les portes
de tous les possibles…
Hélène Frappat nous happe dès la première page en nous
plongeant dans un sordide Noël où deux parents échangent leur cadeau : une
cartouche de cigarettes. Soudain l’antre familial de La Butte aux Cailles
ressemble à une grotte enfumée, irrespirable, où le ciel plombé cohabite en
permanence avec une jeune fille chagrinée par la vision fugace, lointaine –
mais si proche aussi – du dos du garçon qu’elle aime, l’observant par la
fenêtre en train de lire. Fort heureusement demeure la Corse pour les vacances :
Ajaccio, soleil et mille odeurs des plantes des montagnes malaxé par l’extrême
humidité portée par la mer, à l’arrivée de l’avion ; puis ce sera la route
serpentant vers Guitera, dans la montagne. Et les bains dans les anciens
thermes à l’eau souffreteuse. Quand le maquis est un langage et la cigarette un
écran de silence opaque…
Trois petits livres à porter avec soi, trois gourmandises à
glisser dans sa poche pour les grignoter à l’envi selon les imparties que la
vie vous offrira au détour d’une occasion.
François Xavier
Véronique Bizot, Une
île, Actes Sud, coll. "Essences", octobre 2014, 88 p. – 11,00 €
Valentine Goby, Baumes,
Actes Sud, coll. "Essences", octobre 2014, 66 p. – 10,00 €
Hélène Frappat, N’oublie
pas de respirer, Actes Sud, coll. "Essences", octobre 2014, 88 p.
– 12,00 €
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