Pierre de Ronsard : Biographie

Biographie synthètique de Pierre de Ronsard (1524-1585). D'abord page puis courtisant, Ronsard a beaucoup voyagé dans sa jeunesse. Il doit abandonner la carrière militaire en raison d'une surdité précoce et se consacre alors aux études et à la poésie. Il fonde La Pléiade avec Joachim du Bellay. Sa production est d’abord lyrique, imitant les auteurs classiques, avant de devenir engagée ou officielle lorsqu’il sera poète de cour en qualité de favori de Charles IX. "Prince des poètes et poète des princes", l’épicurien Ronsard est une figure majeure de la poésie de la Renaissance.

 

Si Du Bellay fut l’organisateur de la Pléiade littéraire, Ronsard en fut le chef le plus intrépide.

Pierre de Ronsard naquit près de Vendôme, en 1524 ; son père était maître d’hôtel de François Ier. On raconte qu’en le portant à l’église pour le baptiser, sa nourrice le laissa tomber dans une prairie émaillée de fleurs ; peu de jours après, une jeune fille lui renversa, par mégarde, sur la tête, un vase rempli d’eau de roses. Quand Ronsard fut devenu un poète célèbre, ses admirateurs ne manquèrent pas de donner à ces incidents une importance prophétique. « C’était, dit un de ses biographes, un présage des bonnes odeurs dont il devait remplir toute la France, des fleurs de ses écrits. »

 

À neuf ans, il entra au collège de Navarre à Paris, mais il n’y resta que six mois, trouvant la discipline trop rigoureuse. A quatorze ans, il fut nommé page du duc d’Orléans, fils de François Ier, et se fit remarquer à la cour par ses manières gracieuses et son esprit précoce. Il passa ensuite à la cour de Jacques V, roi d’Écosse, mais il revint bientôt en France, où le duc d’Orléans le reprit à son service et l’employa à plusieurs missions diplomatiques. Malheureusement, il rapporta de ses voyages une grave infirmité : une surdité presque complète.

 

Forcé de renoncer à la carrière des faveurs, Ronsard se livra alors tout entier à l’étude. À l’insu de son père, il s’échappait de son hôtel pour aller prendre des leçons de Jean Dorat, qui enseignait le grec à son jeune ami Antoine de Baïf. « Il étudiait jusqu’à deux heures après minuit, et, se couchant, il réveillait Baïf, qui se levait et prenait la chandelle et ne laissait refroidir la place. »

 

Après sept ans d’un travail opiniâtre, Ronsard mit en pratique les préceptes de Du Bellay, et fonda l’école nouvelle qui devait régénérer la langue et la poésie. Il commença par la traduction en vers d’une comédie d’Aristophane. Encouragé par le succès, il voulut faire passer dans notre langue les odes de Pindare et d’Horace et les chants légers d’Anacréon. Après l’ode, il essaya de ressusciter le poème épique et fit la Franciade, poème froid, qui n’est qu’une mauvaise copie de l’Énéide. À côté de lui et sous son influence, Baïf et Jodelle s’essayaient dans la tragédie et la comédie : tous les genres dans lesquels avaient brillé les anciens furent tentés par la nouvelle école.

 

Le plus immense succès couronna d’abord les travaux de Ronsard. L’Académie des Jeux floraux lui décerna le prix de la poésie, et les capitouls de Toulouse, au lieu de la simple fleur d’argent traditionnelle, lui firent présent d’une Minerve d’argent massif et le proclamèrent le poète français par excellence. Les savants de son temps le comparaient à Homère, à Pindare, à Virgile. Quatre rois, Henri II, François II, Charles IX et Henri III, le comblèrent de faveurs, de distinctions et de récompenses. Charles IX, en particulier, le reçut dans son intimité et lui adressa les vers suivants :

 

« Tous deux également nous portons des couronnes ;

Mais, roi, je les reçois ; poète, tu tes donnes. »

 

Marie Stuart se consolait, dans sa prison, par la lecture des vers de Ronsard, et l’en remerciait par le don d’un rocher d’argent massif, représentant la montagne et la source du Permesse, avec cette flatteuse inscription : À Ronsard, l’Apollon de la source des Muses. À sa mort, en 1589, on lui fit de magnifiques funérailles ; le roi envoya la musique de sa propre chapelle : le Parlement de Paris s’y fit représenter par une députation, et la foule était si considérable dans l’église que l’évêque qui devait prononcer l’oraison funèbre ne put parvenir jusqu’à la chaire.

Vingt ans après, toute cette gloire était tombée, et ceux qui avaient le plus admiré Ronsard furent les premiers à s’en moquer. Comment expliquer cette chute soudaine ? Ronsard eut le tort de pousser à l’excès les principes de Du Bellay. Après avoir pris aux poètes grecs et latins l’ordonnance de leurs pièces, il voulut calquer notre langue sur les langues anciennes ; il introduisit des mots composés à la manière de la langue grecque ; c’est ainsi qu’il appelle les géants des Serpents-pieds, les centaures des Domptés-poulains, les poètes des Mâche-lauriers, la toux Ronge-poumons, etc. Boileau eut donc raison de dire de lui :

 

« Ronsard… par une autre méthode,

Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode,

Et toutefois, longtemps eut un heureux destin ;

Mais sa muse, en français parlant grec et latin,

Vit dans l’âge suivant, par un retour grotesque,

Tomber de ses grands mots le faste pédantesque. »

 

Hâtons-nous d’ajouter pour être juste envers le mérite poétique de Ronsard, que s’il est au-dessous de toute critique lorsqu’il veut, à l’exemple de Pindare, emboucher la trompette épique, il se montre par contre très supérieur dans le genre léger et badin. Il serait difficile de trouver rien de plus gracieux que ces stances qu’il adresse un soir à Cassandre, la dame de ses pensées :

 

« Mignonne, allons voir ai la rose,

Qui ce matin avait éclose

Sa robe de pourpre au soleil,

À point perdu ceste vesprée,

Les plis de sa robe pourprée,

Et son teint au vostre pareil.

 

Las ! voyez comme en peu d’espace,

Mignonne, elle a dessus la place,

Las ! las ! ses beautés laissé cheoir !

0 vrayment marastre nature,

Puisqu’une telle fleur ne dure

Que du matin jusques au soir.

 

Donc, si vous me croyez, mignonne.

Tandis que votre âge fleuronne

En sa plus verte nouveauté,

Cueillez, cueillez votre jeunesse

Comme à ceste fleur, la vieillesse

Fera ternir votre beauté. »

 

Il est à regretter que le chef de la Pléiade n’eut pas eu souvent d’aussi heureuses inspirations.

 

[Source : Daniel Bonnefon, Les Écrivains célèbres de la France, Librairie Fischbacher, 1895]

Illustration : Portrait de Pierre de Ronsard (vers 1620)

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