François de Malherbe : Biographie

Biographie synthètique de François de Malherbe (1555-1628). François de Malherbe, poète officiel, a soutenu une poésie vigoureusement structuré, harmonieuse, correcte et dominée par le lyrisme. Tout en reniant l’œuvre de Ronsard et de la Pléiade, il a enfermé le lyrisme dans un cadre très étroit, rendant l’œuvre d’art plus simple mais plus difficile à la fois. Il a fortement influencé la littérature et notamment la poésie dite "classique".

 


 

« Enfin, Malherbe vint, et le premier en France,

Fit sentir en ses vers une juste cadence.

D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir

Et réduisit la muse aux règles du devoir,

Par ce sage écrivain, la langue révérée

N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée ;

Les stances avec grâce apprirent à tomber,

Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber. »

 

C’est ainsi que Boileau salue l’arrivée de Malherbe, comme une sorte d’événement.

Malherbe naquit à Caen, en 1555, d’une famille noble mais pauvre. Nous savons peu de chose sur ses premières années. Son père ayant embrassé la Réforme, il en eut tant de déplaisir qu’il quitta la maison paternelle. Après un voyage en Allemagne, il revint en France, et devint secrétaire du duc d’Angoulême, gouverneur de Provence. Un jour, le duc, qui se mêlait de faire des vers, ayant composé un sonnet dont il était content, le remit à Du Perrier, le priant de le présenter comme sien à Malherbe, et de lui demander son avis. Malherbe, qui n’était pas courtisan : « Bah ! dit-il, après l’avoir lu, c’est tout comme si c’était Monseigneur qui l’eût fait. » Le duc, loin de se blesser, n’en estima que davantage Malherbe, et le lui prouva en lui faisant obtenir la fille d’un président du parlement d’Aix.

 

En 1699, son ami Du Perrier eut la douleur de perdre sa fille unique. Malherbe écrivit à cette occasion une ode qui a passé à la postérité, et dont quelques stances sont admirables de forme et de sentiment :

 

« Ta douleur, Du Perrier, sera donc éternelle !

Je sais de quels appas son enfance était pleine.

Mais elle était du monde, où les plus belles choses

Ont le pire destin,

Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses,

L’espace d’un matin.

La mort a des rigueurs à nulle autre pareilles

On a beau la prier,

La cruelle qu’elle est se bouche les oreilles

Et nous laisse crier.

La pauvre en sa cabane, où le chaume la couvre,

Est sujet à ses lois,

Et la garde qui veille aux barrières du Louvre

N’en défend pas nos rois ! »

 

Voilà des vers qui ont plus de deux cents ans, et qui n’ont rien perdu de leur jeunesse et de leur grâce.

 

L’année suivante, Malherbe célébra dans une ode l’arrivée de Marie de Médicis, qui venait épouser le roi Henri IV. Cette pièce commença sa réputation. Une ode, qu’il lut au cardinal Du Perron, lui valut d’être introduit auprès de Henri IV. Un jour, que le roi demandait à Du Perron s’il ne faisait plus de vers, celui-ci répondit que « depuis que Sa majesté lui faisait l’honneur de l’employer dans ses affaires, il avait abandonné cet exercice, et que d’ailleurs il ne fallait plus que qui que ce soit s’en mêlât, après un gentilhomme de Normandie, établi en Provence, nommé Malherbe, qui avait porté la poésie française à un si haut point, que personne n’en pouvait jamais approcher. » Cet éloge étonna le roi, il demanda à voir le poète et le pria de lui composer une prière en vers pour son voyage en Limousin ; il en fut si satisfait qu’il prit aussitôt Malherbe dans sa maison et à ses gages. Le poète avait alors cinquante ans.

 

Son premier soin fut de dégasconner la cour ; après la cour, il entreprit de réformer la France entière. Il se déclara, en littérature, l’adversaire de Ronsard et de son école, et s’éleva d’abord contre l’abus que cette école avait fait de l’antiquité. Ce n’est pas qu’il ne goutât fort les poètes grecs et latins ; il avait, dit-on, un Horace dans son cabinet, sous le chevet de son lit, sur sa table de nuit, dans son armoire, à la ville et aux champs ; il l’appelait son bréviaire ; mais il voulait que la poésie fut originale et non servile.

 

Il combattit de même l’abus des fictions. Régnier venait de composer pour Henri IV un éloge où il représentait la France montant au trône de Jupiter et s’y plaignant de l’état où l’avait laissée la Ligue. « Depuis cinquante ans que je demeure en France, dit à ce sujet Malherbe, je ne me suis point aperçu que la France se fût enlevée de sa place. »

 

À ces changements dans le fond répondaient autant de changements dans la forme. Il proscrivit les expressions étrangères que Ronsard avait introduites. Lorsqu’on le consultait sur la propriété, le genre d’un mot : « Allez, disait-il, au Port au Foin, c’est là que vous apprendrez comment il faut parler. » Où est, en effet, la bonne langue française si ce n’est à Paris ? La cour a pu être tour à tour italienne, gasconne ou espagnole, mais la langue du peuple n’est pas sujette aux variations de la mode.

 

Malherbe déploya dans cette œuvre de réforme littéraire un courage et une ardeur qui tenaient du fanatisme. Il brisa pièce à pièce l’édifice élevé par Ronsard ; il se fit des ennemis et s’attira des injures ; on l’appela un regretteur de mots, un tyran de syllabes.

 

Si Malherbe était sévère pour les autres, il ne l’était pas moins pour lui-même. Il n’arrivait à la clarté et à la pureté de l’expression que par beaucoup de travail. On raconte, sur sa lenteur à composer, des anecdotes piquantes. Une fois, il employa une demi-rame de papier à corriger une seule stance. « Quand on a fait cent vers et deux feuilles de prose, disait-il, il faut se reposer dix ans. »

 

Un président ayant perdu sa jeune femme, Malherbe voulut lui adresser quelques consolations ; quand il lui apporta sa pièce, il le trouva remarié. Il avait mis trois ans à rimer ses condoléances.

 

À force de travail et de persévérance, il parvint à renverser la cabale et à faire école à son tour. Il faut qu’il ait eu une grande confiance dans son mérite pour avoir osé dire :

 

« Les ouvrages communs vivent quelques années

Ce que Malherbe écrit dure éternellement. »

 

Il poussait d’ailleurs la bonne opinion de lui-même à un point incroyable. La princesse de Conti lui disait un jour : « Monsieur Malherbe, je veux vous montrer les plus beaux vers que vous ayez lus. — Pardonnez-moi, lui répondit-il, si ce sont les plus beaux, je les connais, puisque moi seul je puis en être l’auteur. »

 

Dans plus d’une circonstance, cet orgueil lut nuisit beaucoup et lui fit de cruels ennemis. On a vu qu’il se brouilla avec Régnier, au sujet d’un psaume de Desportes ; il rompit de même avec son disciple et ami Racan. Voici à quelle occasion : Malherbe avait, comme tous les poètes, la manie de lire ses vers ; malheureusement, il les lisait fort mal. Racan, s’étant permis un jour de lui en faire l’observation et de lui conseiller de les faire lire par d’autres, Malherbe, qui était très susceptible, entra dans une violente colère et ne lui pardonna jamais.

 

Il n’avait de ménagements pour personne. Un jour, un jeune homme de bonne maison vint lui lire des vers qu’il avait composés et lui demander son avis. « Avez-vous été condamné à faire ces vers, ou à être pendu ? lui demanda Malherbe ; je vous conseille de ne les dire à personne, si vous tenez à votre réputation. »

 

Outre une immense vanité, on pouvait lui reprocher une avarice sordide. Quoiqu’il fût riche, il ne craignait pas de demander l’aumône, une pièce de vers à la main. Il eut, pendant toute sa vie, des procès avec ses parents. Un jour qu’on lui en faisait le reproche, il répondit : « Ferais-je des procès avec tes Turcs et tes Russes, qui ne me disputent rien ? »

 

Si égoïste qu’il fût, il ressentit profondément la mort de ses enfants, et en particulier celle de son fils ainé, qui fut tué en duel par un gentilhomme de Provence. Quoique âgé de soixante-treize ans, Malherbe voulut se battre pour venger son enfant, et comme on essayait de l’en détourner, en lui faisant considérer la disproportion d’âge et de force : « Je ne risque, répondit-il, qu’un denier contre une pistole. » On parvint cependant à le dissuader ; son adversaire entra en arrangement avec lui, et lui donna trente mille francs, que Malherbe employa à élever un mausolée à son fils.

 

On raconte qu’un pauvre lui demandait un jour l’aumône, lui promettant de prier Dieu pour lui : « Mon ami, lui répondit Malherbe, je ne me soucie pas de vos prières, car vous ne devez avoir guère de crédit au ciel, puisque Dieu vous laisse dans un aussi triste état. »

 

Dans sa dernière maladie, son prêtre ayant voulu le confesser : « Je ne me confesse qu’à Pâques », lui dit-il. Il mourut en défendant les règles de la grammaire. « Une heure avant d’expirer, dit son disciple Racan, il se réveilla comme en sursaut, pour reprendre sa garde-malade d’un mot qui n’était pas bien français ; et comme son confesseur lui en faisait la réprimande, il dit qu’il ne pouvait s’en empêcher, et qu’il voulait défendre jusqu’à la mort la pureté de la langue française. »

 

Malherbe est remarquable dans ses poésies, par la grâce, le rythme, l’harmonie. Il évita les hiatus et confirma le mélange des rimes masculines et féminines. Il fit de la langue française une langue de distinction, pure, harmonieuse ; on peut lui reprocher, avec raison, de manquer de chaleur et d’enthousiasme. On cite néanmoins de lui quelques poésies pleines de sentiment. Telles sont : les Stances à Du Perrier, l’Ode sur l’attentat contre la personne du roi, l’Ode à Louis XIII, partant pour siège de La Rochelle, qui est considéré comme son chef-d’œuvre.

 

[Source : Daniel Bonnefon, Les Écrivains célèbres de la France, Librairie Fischbacher, 1895]

Illustration : Portrait de François de Malherbe par Robert Lefèvre.

 

2 commentaires

Cob

Bonjour, je pense avoir remarqué une faute d'accord dans votre article : "a soutenu une poésie vigoureusement structuré, harmonieuse, correcte et dominée par le lyrisme."

Structuré devrait avoir un -e non?

Bonne journée

Cob.

Qui a rédigé cet article ? Quelles sont les sources ? Comment sommes nous censé nous y fier sans aucune de c'est informations...