Saint-Simon : Biographie

Vie et œuvre de Saint-Simon (1675-1755)

Louis de Rouvray, duc de Saint-Simon, entra aux mousquetaires en 1691, démissionna parce qu’il se crut victime d’une injustice, et se rapprocha du parti des mécontents : il comptait, avec le duc de Beauvilliers et Fénelon, sur le prochain règne du duc de Bourgogne. Mais celui-ci mourut prématurément, et Saint-Simon n’espéra plus qu’en la faveur du duc d’Orléans qui devint Régent en 1715 ; celui-ci en effet le fît entrer au Conseil, puis le nomma en 1721 ambassadeur d’Espagne. La mort du Régent (1723) mit fin à sa carrière politique et diplomatique. Tout le reste de sa vie, plus de trente années, Saint-Simon l’a consacré à écrire ses Mémoires.

 

Il commença par se servir du Journal de Dangeau, qui avait noté scrupuleusement tous les faits de 1681 à 1720. Il refit tout ce journal, en y ajoutant tout ce que ses enquêtes et recherches personnelles lui fournirent sur les personnes et sur les choses, puis il le continua. Saint-Simon, à sa mort, laissait ainsi un ouvrage considérable, tout prêt pour la publication. Mais ses papiers furent saisis et transportés au ministère des Affaires étrangères. Au XVIIIe siècle, quelques privilégiés seulement, dont Voltaire, purent les consulter ; et on en publia des fragments. C’est en 1829 seulement, par les soins d’un de ses descendants, que les Mémoires de Saint-Simon furent intégralement imprimés.

 

Pour écrire ses Mémoires, Saint-Simon fait d’abord appel à ses souvenirs personnels : il y a des choses qu’il a vues, et des hommes qu’il a connus ; et il était un observateur prodigieusement attentif, « perçant de ses regards clandestins chaque visage, chaque maintien, chaque mouvement, et y délectant sa curiosité ». Et c’est toujours un témoin passionné. Lisez le récit fameux de la séance du Parlement du 26 août 1718, où fut cassé le testament de Louis XIV ; il nous dit : « J’étouffais de silence… je suais d’angoisse… Mes yeux fichés, collés sur ces bourgeois superbes… je me mourrais de joie ; j’en étais à craindre la défaillance ; mon cœur dilaté à l’excès ne trouvait plus d’espace à s’étendre… » Mais si passionné qu’il soit, ce témoin ne laisse rien échapper : il voit tout, avec une pénétration effrayante. À ses qualités d’observations, Saint-Simon joint la manie des informations orales. Toutes lui sont bonnes, qu’elles viennent de grands seigneurs ou de grandes dames, comme le duc de Beauvilliers et la princesse des Ursins, de ministres comme Chamillart, dont les filles (les duchesses de Lorges, de Mortemart et de la Feuillade lui donnèrent force détails sur la jeune duchesse de Bourgogne), ou de valets, de laquais et de servantes. Et c’est bien un peu ce qui nous gâte Saint-Simon ; il y a dans ses Mémoires trop de commérages.

 

Aussi la véracité de Saint-Simon est-elle fort sujette à caution. Ses Mémoires, dont il faut admirer sinon imiter le style original, Primesautier, tout en reliefs et en couleurs, sont une œuvre d’orgueil et de passion. Entiché de ses prétentions nobiliaires, persuadé de son propre mérite, Saint-Simon en veut à tous ceux qui, grands ou petits, rois ou roturiers, ont méconnu son génie politique ou blessé sa vanité.

 

[Source : Charles-Marc Des Granges, Les Grands écrivains français des origines à nos jours, Librairie Hatier, 1900]

 

Aucun commentaire pour ce contenu.