Biographies d'écrivains de tous temps et de tous pays.

Calvin : Biographie

Vie et œuvre de Jean Calvin (1509-1664).

Jean Calvin fut le premier qui popularisa, dans la langue vulgaire, les vérités de la philosophie chrétienne. Né à Noyon, en Picardie, d'un simple tonnelier, il montra des talents précoces et fit de brillantes études. Il fut destiné dès son enfance à la prêtrise ; mais, se sentant peu de vocation pour la théologie, il alla étudier le droit à Bourges et à Orléans. À Bourges, le célèbre jurisconsulte Aleiat n'eut pas d'élève plus ardent et plus capable ; à Orléans, le luthérien Wolmar, qui enseignait le grec, l'initia en même temps aux principes de la Réforme et le décida à se livrer tout entier à l’étude de la théologie.


La Bible, que Calvin reçut à cette époque des mains d'un de ses parents, le détacha complètement du catholicisme. Il se mit dès lors à travailler lui-même à la propagation des nouvelles doctrines, en prêchant dans des assemblées secrètes, à Bourges et à Paris ; il avait alors vingt-quatre ans. Un discours qu'il composa pour le recteur de l’Université de Paria et qui fut taxé d'hérésie par la Sorbonne, le força à fuir. Il se retira à Angoulême, dans la maison du chanoine du Tillet. C'est là que le jeune réformateur commença son grand ouvrage sur la religion chrétienne ; il y travaillait avec tant d'ardeur, qu'il passait souvent des nuits sans dormir et les jours sans manger. Quand il avait achevé un chapitre, il le lisait à ses amis, et, en ouvrant son manuscrit, il avait coutume de dire « Trouvons la vérité. »

 

Après avoir répandu les doctrines de la Réforme dans le Poitou et la Saintonge, Calvin, poursuivi par la persécution, alla s’établir à Bâle où il acheva son Institution de la religion chrétienne. À peine eut-il terminé ce grand ouvrage, qu'il se rendit en Italie, près de Renée de France, fille du Louis XII et duchesse do Ferrare, qui avait embrassé la Réforme. De Ferrare, Calvin se proposant d'aller à Strasbourg, passa par Genève ; là, son ami Farol lui fit un devoir de s'arrêter dans cette ville et d'y accepter les fonctions de pasteur et de professeur de théologie. Calvin avait alors vingt-sept ans. Il trouva la ville et l’Église réformée do Genève dans le plus grand relâchement et se mit aussitôt à l’œuvre avec toute l'énergie qui le caractérisait ; mais la violence de ses attaques contre les mœurs corrompues de Genève le fit exiler de cette ville. Il se retira alors à Strasbourg et s'y maria. Bientôt après, les Genevois, en proie aux plus violentes dissensions, révoquèrent la sentence de bannissement et le supplièrent de revenir parmi eux. Calvin rentra à Genève et y exerça dès lors une autorité absolue. Il réorganisa tout le gouvernement, par une constitution politique ; la religion, par sa confession de foi et ses enseignements ; la famille et les mœurs, par des lois qui déterminaient jusqu'à la forme des vêtements et fixaient les dépenses de table.

 

On a accusé avec raison Calvin d'intolérance, mais s’il fut intolérant, il le fut en vertu du même principe qui animait l’Église d'où il était sorti : il crut avoir le monopole de la vérité et la mission expresse de réprimer et de punir l'erreur. C'est ce qui explique les peines rigoureuses qu'il infligea à ses adversaires et, en particulier, le supplice de Servet, brulé vif à Genève à cause de ses doctrines trinitaires. Calvin fut coupable d'inconséquence. « En posant le droit d'examen individuel, dit avec raison M. de Félice, la Réforme avait indirectement établi la liberté religieuse. Elle n'a pas aperçu du premier coup toutes les conséquences de son principe, parce que les Réformés avaient emporté avec eux une partie des préjugés de leur première éducation ; mais elle devait les découvrir tôt ou tard, et c'est à bon droit qu'elle est regardée comme la mère de toutes les libertés modernes. »

 

Les prodigieux travaux de Calvin surpassent notre imagination. « Je ne crois point, dit Théodore de Bèze, son ami et son disciple, qu'il se puisse trouver son pareil. Outre qu'il prêchait tous les jours, de semaine en semaine, le plus souvent et tant qu'il a pu, il a prêché deux fois tous les dimanches. Il donnait, trois fois la semaine, des leçons de théologie. II faisait les remontrances au consistoire, et comme une leçon entière tous les vendredis en la conférence de l'Écriture que nous appelons congrégation et il a tellement continué ce train jusqu'à la mort, que jamais il n'y a failli une seule fois, si ce n'a été en extrême maladie. Au reste, qui pourrait raconter ses autres travaux ordinaires ou extraordinaires ? Je ne sais si homme de notre temps a en plus à ouïr, à répondre, à écrire, ni de choses de plus grande importance. La seule multitude et qualité de ses écrits suffit pour étonner tout homme qui les verra, et plus encore ceux qui tes liront. Et ce qui rend ses labours plus admirables, c'est qu'il avait un corps si débile, tant exténué de veilles et de sobriété par trop grande, et qui plus est, sujet à tant de maladies, que tout homme qui le voyait n'eût pu penser qu'il eût pu vivre tant soit peu ; toutefois, pour tout cela il n'a jamais cessé de travailler jour et nuit après l’œuvre du Soigneur. Nous lui faisions remontrance d'avoir plus d'égard à soi mais sa réplique ordinaire était qu'il ne faisait comme rien, et que nous souffrissions que Dieu le trouvât toujours veillant et travaillant comme il pourrait, jusqu'à son dernier soupir. Calvin mourut le 27 mai 1664, âgé de cinquante-cinq ans.

 

Parmi les nombreux écrits sortis de sa plume, un seul a suffi pour le placer à la tête des plus grands écrivains de son siècle : c'est L’Institution chrétienne. Cet ouvrage écrit d'abord en latin ; puis traduit on français par Calvin lui-même, parut en manière de protestation, à l'occasion des persécutions dirigées contre les Réformés. Il est précédé d'une préface admirable, adressée à François Ier. Cette préface est un exposé de la doctrine du réformateur sous la forme d'une brève réponse aux reproches qu'on lui faisait. En terminant, Calvin adjure le roi d'examiner la confession de foi de ses sujets persécutés, afin que voyant qu'ils sont d'accord avec la Bible, il ne les traite plus comme hérétiques. On assure que le roi ne daigna pas même lire cette épitre.

 

Ce qui fait la supériorité de Calvin sur ses devanciers, c'est une précision que notre langue ignorait avant lui. « Point de mots inutiles, dit M. Saint-Marc Girardin ; il procède par des traits vifs qui conviennent à son argumentation pressante, et il supprime les articles, dès qu'ils ne lui semblent pas indispensables. Ce style nerveux, qui s'accorde si bien avec la rigidité de son caractère, et qui en est l'expression, l’élève au-dessus de presque tous les écrivains qui le précédèrent, et l'égale même à quelques-uns de ceux qui le suivirent. Ses expressions sont antiques, mais toujours fortes ; sa véhémence est exempte de déclamation, son érudition de pédantisme. Souvent une de ses phrases renferme le sens d'un long paragraphe ; économie de mots bien dignes d’éloges, dans un siècle où leur abondance semblait, à presque tous les écrivains, la preuve de l'étendue de l'esprit. » Bossuet lui reconnait, outre la gloire d'avoir aussi bien écrit en latin qu'homme de son siècle, celle d'avoir excellé à parler la langue de son pays.

 

[Daniel Bonnefon, Les écrivains célèbres de la France, ou Histoire de la littérature française depuis l'origine de la langue jusqu'au XIXe siècle (7e éd.), Librairie Fischbacher, 1895]

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