La Fondation Berliet : servir le patrimoine automobile

Qui ignore ce nom, célèbre pour bien des raisons ? Beaucoup ont en mémoire cette caravane de gros camions parcourant le désert du Ténéré en 1959 dans le cadre d’une mission scientifique, ou ces trolleybus circulant dans plusieurs villes avec le logo reconnaissable né de la transformation progressive de la figure d’une locomotive du Far West en une flèche pointée vers le bas ou encore et plus couramment, ces camions de transport sillonnant les routes. Berliet, un nom de famille synonyme de qualités, que ce soit celles des machines comme celles des hommes qui les fabriquent. On pense à ces jeunes chauffeurs qui eurent leurs premiers apprentissages à l’école créée en 1906 par Marius Berliet et dont beaucoup servirent pendant la guerre. Quand les exigences permettent d’acquérir le prestige, la notoriété ne paraît pas usurpée. Le romancier Tristan Bernard prête sa plume pour la rédaction du catalogue de 1908, illustré par René Vincent.

 

Le fondateur de cette épopée industrielle et humaine est à la fois un homme qui s’y connaît en mécanique et un entrepreneur qui sait comment gérer une affaire. Un ingénieur ingénieux qui, constatant l’essor désormais irrémédiable du moteur, se lance dans la production de véhicules aux multiples usages, formes et puissances pour défendre la distribution des marchandises de porte à porte puisque que le chemin  de fer ne peut pas la garantir. La gamme au fil des années devient de plus en plus vaste, de la voiture de course aux poids-lourds, du cabriolet au car interurbain, de la berline de luxe au transport de troupes CBA qui s’illustre pendant la bataille de Verdun, du curieux Stradair au colossal Dumper. En adoptant plus tard le slogan « Berliet roule pour vous », la marque veut prouver qu’elle offre davantage un service que la simple diffusion d’une publicité.

 

Lorsqu’à partir de 1906 Marius Berliet (1866-1949), homme « visionnaire, vêtu de son inséparable blouse blanche » comme le montre un dessin de 1907, se lance dans la production en série, la France est le premier constructeur mondial d’automobiles et le premier exportateur. Lyon après Paris est le principal centre automobile français. Les marques locales sont nombreuses, la ville bénéficie d’un environnement favorable, aussi bien en matières premières qu’en compétences. A l’apogée du secteur, plus de 200 marques se croisent, associent leurs techniques, participent à la supériorité de l’industrie automobile nationale, travaillent ensemble, rivalisent afin de lancer les modèles les plus performants.  


Avec Paul, son fils, (1918-2012), la continuité est assurée dans les domaines déjà explorés. Mais il ouvre en outre à l’étranger de nouvelles usines et ajoute à ses activités industrielles le mécénat, en créant notamment la Fondation de l'Automobile Marius-Berliet, reconnue d’utilité publique et « qui a pour objet la sauvegarde et la valorisation du patrimoine automobile de la région Rhône-Alpes et de l’histoire des véhicules industriels de l’ensemble des marques françaises ».

 

 

Elle compte actuellement 240 véhicules parfaitement restaurés, couvrant près d’un siècle de savoir-faire et de créativité esthétique et technologique. Ils sont exposés dans un immense bâtiment de 7200 m2. S’ajoutent environ cent pièces en cours de restauration ou à restaurer. L’ensemble représente 30 marques, toutes françaises, couvrant la période allant de 1886 à nos jours. Beaucoup de noms sont eux-aussi inscrits dans les mémoires, Hotchkiss, Delahaye, Dion-Bouton, Unic, Willème…La Fondation possède aussi un centre d’archives et de documentation riche de plus de 300 000 références sur quelque 200 marques. Regroupant une ample sélection d’articles, des témoignages, des anecdotes, des documents, des illustrations abondantes, cet ouvrage apporte à ceux que le sujet intéresse la « mémoire métallique » de l’aventure Berliet et d’une partie de notre histoire automobile.

 

Dominique Vergnon  

 

Monique Chapelle, Fondation de l’automobile Marius Berliet, déjà 30 ans…, Livres EMCC, 256 pages, 30x21 cm, 35 euros.

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