Dépucelage de Virginie Lou-Nony
Elle et lui. C’est elle qui raconte. Elle nous parle de lui. Tu parles : elle parle encore de lui. A lui, elle parle encore. En son âme abîmée par lui, en son corps ébloui par lui. Lui, lui, lui. Qui donc est lui ? Un Janus bifrons. Un caméléon menteur crétois. Un Casanova sympathique doublé, dédoublé, adoubeur, doux et cruel. Il s’appelle Baptiste. Lui assènera à elle un baptême par le fond et par la surface : « il ne cesse de la quitter effleurant sa tempe d’un baiser ». C’est moins du doux-amer que de la cruauté incorporée qui inonde les souvenirs d’elle ; elle qui exprime si fortement les paradoxes de la nostalgie telle que la définit Barbara Cassin : « enracinement et déracinement, voilà la nostalgie. »
Dépucelage est un mémoire d’exil. Et pas d’exil sans confiance, sans confidence, sans foi. Que la foi soit illusoire et bien réelle – dans le même temps – importe beaucoup : les sales histoires abreuvent le compost puant du devenir encore plus femme, plus amante, plus vivante. Ambiance Portier de nuit. Oui, Molly, oui, elle veut bien. On peut aimer de dégoût. On peut devenir, par une curieuse et banale force extérieure ( la mort, inévitable ) une amoureuse follement dégoûtée et à peine dépitée.
Prouesse ici de ne jamais chuter dans le masochisme freudiste. Alors, sans théorie, un sentiment et une certitude digne de Kafka : « …le pire était à venir. » Qui peut mieux dire un tel suspens ?
De telles suspensions permettent aussi les envolées des sternes, ces hirondelles des mers.
Didier Bazy
Dépucelage, Virginie Lou-Non, 2014, ebook carte : 0,99€
(version papier chez partenaires)
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